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APOLOGIE DE SOCRATE

notoriété, d’où sont nés tant de soupçons malveillants ? Il l’explique par le fait que, depuis longtemps, s’étant mis à interroger tous ceux que l’on croyait savants, ou qui d’eux-mêmes se croyaient tels, il a été amené à les convaincre qu’ils n’en savaient pas plus que lui-même sur les choses qu’ils croyaient savoir. Et cette enquête, il ne l’a faite, ajoute-t-il, que pour contrôler une déclaration du dieu de Delphes, qui l’avait désigné, lui, Socrate, comme le plus savant des hommes. Telle est la première partie de l’Apologie. Elle caractérise à grands traits, mais avec justesse, le rôle de Socrate ainsi que sa philosophie, résolument indifférente aux recherches sur la nature, et toute attachée à la connaissance de l’homme, à la définition de son bien ; elle le met en scène, elle le fait revivre sous nos yeux. Qu’il y ait quelque artifice dans l’importance attribuée à l’oracle, cela n’est pas douteux. Non pas qu’on en doive mettre en doute la réalité. Mais en le donnant comme la raison première et décisive de l’enquête qui avait occupé toute la vie de son maître, Platon a cédé visiblement à un instinct de simplification dramatique, qui était d’un poète plus que d’un historien. Il y trouvait d’ailleurs l’avantage de marquer plus fortement le caractère divin du rôle joué par Socrate ; il transformait effectivement en une investiture formelle ce qui avait été d’abord une simple suggestion de sa nature et ce qu’il avait considéré ensuite comme l’ordre d’une voix intérieure, l’ordre d’un dieu.

La seconde partie est la réponse directe aux griefs positifs formulés par Mélétos. À vrai dire, cette réponse semble plutôt destinée à faire ressortir la légèreté de l’accusateur qu’à démontrer l’inanité de l’accusation. Socrate ne discute pas réellement la question de l’influence exercée par lui sur la jeunesse. Il s’amuse à faire dire par Mélétos cette sottise, que tout Athénien, quel qu’il soit, est capable de bien élever les jeunes gens, hormis un seul, qui est Socrate. Puis, il l’amène à convenir que tout homme sensé doit aimer mieux, dans son propre intérêt, vivre avec d’honnêtes gens qu’avec ceux qui ne le sont pas ; d’où il suit qu’il aurait été dénué de sens, s’il avait volontairement perverti ceux dont il faisait sa société habituelle. Il est trop clair que ni l’un ni l’autre de ces raisonnements ne démontre ce qui était vraiment en question, c’est-à-dire que l’influence de Socrate ne s’exerçait pas au