Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome II.djvu/166

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Faut-il croire ici encore, avec Horneffer, comme à propos du Charmide, que Platon s’est proposé dans ce dialogue de réfuter Socrate lui-même et de séparer sa propre doctrine de celle de son maître ? J’avoue que cette interprétation me semble absurde. Pour qu’elle fût le moins du monde vraisemblable, il faudrait que la théorie de Nicias fût exactement celle du Socrate historique. Or il est manifeste qu’elle viole absolument la règle des définitions telle que Socrate l’avait établie, puisqu’elle néglige, comme on dit dans l’école, la « différence propre », et s’en tient à déterminer le « genre prochain ».

Quelle est donc la signification du dialogue ? Il est évident que nous avons ici une simple exposition de méthode, et que cette exposition se suffit à elle-même, quelle que soit la forme de la conclusion provisoire où elle aboutit. La définition du courage n’est qu’un prétexte : l’objet véritable de toute la composition est de montrer : 1o que des discours suivis permettent de soutenir le pour et le contre sans arriver à une démonstration rigoureuse ; 2o que, pour étudier un problème complexe, comme celui de la valeur de l’hoplomachie, il faut d’abord le ramener à des termes simples, qu’on puisse définir ; 3o que, pour définir correctement un objet, il ne suffit ni d’en indiquer certains caractères particuliers pris au hasard, ni d’en marquer un trait plus général, mais non spécifique.

Les anciens rattachaient le Lachès au genre maïeutique ; nous l’appellerions en français un dialogue méthodique.

Ce caractère très net et un peu étroit le rattache au même groupe que le Charmide et permet de l’attribuer en toute vraisemblance à la jeunesse de Platon.

Cela ne veut d’ailleurs pas dire que l’intérêt littéraire en soit moins vif ni l’art moins attrayant.



III

L’ART DU DIALOGUE


Cet attrait vient en particulier de la vérité des caractères et de la verve, tantôt spirituelle, tantôt éloquente, avec laquelle