Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome II.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193 c
111
LACHÈS

Lachès. — Comment le nier, Socrate ?

Socrate. — Impossible en effet, si l’on en juge ainsi.

Lachès. — Mais c’est bien ainsi que j’en juge.

Socrate. — Cependant, Lachès, il y a moins d’intelligence à courir ce risque et à l’affronter sans expérience qu’avec la connaissance de l’art.

Lachès. — C’est probable.

Socrate. — N’avons-nous pas dit tout à l’heure que la force et l’énergie dénuées d’intelligence étaient laides et nuisibles ?

Lachès. — Oui.

Socrate. — Et nous avons reconnu que le courage était une belle chose.

Lachès. — Nous en sommes tombés d’accord.

Socrate. — Or voici maintenant que, tout au contraire, nous appelons courage cette chose laide, une force d’âme déraisonnable.

Lachès. — C’est vrai.

Socrate. — Juges-tu donc que nous ayons bien raisonné ?

Lachès. — Pas du tout, Socrate, par Zeus !

Socrate. — Ainsi, pour reprendre ton expression, notre harmonie n’a rien de dorien, mon cher Lachès ; car nos actes ne s’accordent pas avec nos paroles, puisque dans notre vie, semble-t-il, on nous reconnaît du courage, tandis que dans nos discours, si l’on nous entendait, on ne saurait trouver cette qualité.

Lachès. — Rien n’est plus vrai.

Socrate. — Que faire ? Trouves-tu que nous soyons en belle posture ?

Lachès. — Pas le moins du monde.


Lachès renonce et fait place à Nicias.

Socrate. — Veux-tu que nous nous soumettions à l’invitation que nous adressent nos discours ?

Lachès. — Quelle invitation ? Quels discours ?

Socrate. — Le discours qui nous invite à montrer de la force d’âme. Si tu le veux bien, nous aurons celle de persister dans notre recherche, sans quoi le courage lui-même nous raillerait de le chercher avec si peu de courage, puisque la force d’âme se confond souvent avec le courage.