Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome II.djvu/244

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éloge, Miccos. » — « Par Zeus, c’est un homme qui ne manque pas de mérite, un sophiste distingué. » — « Veux-tu nous suivre ? Tu verras ceux qui fréquentent l’endroit. » — « J’aimerais, dis-je, à savoir d’abord de toi ce que j’y vais faire et quel est le bel enfant de l’endroit ? » — « Les préférences sont diverses, Socrate. » — « Mais quelle est la tienne, Hippothalès ? fais la moi connaître. »

À cette question, il rougit. « Hippothalès, fils d’Hiéronyme[1], repris-je, inutile de me dire si tu aimes ou non : je sais que tu aimes et que tu n’en es même plus aux premiers pas dans la route de l’amour. Pour tout le reste, je suis médiocre et de peu de ressource ; mais c’est en moi une sorte de don des dieux de savoir reconnaître au premier coup d’œil celui qui aime ou qui est aimé. » Mes paroles le firent rougir bien plus encore. Alors Ctésippe l’interpellant : « C’est très joli, Hippothalès, de rougir et d’hésiter à prononcer aucun nom ; mais il suffira à Socrate de quelques instants de causerie avec toi pour que tu l’assommes à répéter sans cesse ce nom que tu ne veux pas lui dire. Pour nous, Socrate, il nous étourdit du nom de Lysis et nous en avons les oreilles rebattues. S’il vide par hasard quelques coupes, il le prodigue si copieusement que nous croyons encore l’entendre à notre réveil. Quand il se borne à en parler, c’est déjà terrible, beaucoup moins pourtant que s’il lui prend fantaisie de déverser sur nous ses vers et sa prose[2] ; mais le pis, c’est quand il chante ses amours d’une voix redoutable à laquelle nous ne pouvons échapper. Et dire qu’en ce moment, ta question le fait rougir ! » — « Lysis, je suppose, est très jeune, car c’est la première fois que j’entends son nom ». — « On ne le prononce guère, en effet : c’est par le nom de son père qu’on le désigne encore, car son père est fort connu. Mais je suis bien sûr que tu as dû le remarquer lui-même pour sa beauté, qui suffit à le faire reconnaître. » — « De qui

    inconnu, pourrait être un de ces sophistes qui, dès le ve siècle, vont enseigner dans les palestres les sciences diverses dont ils font profession, comme fait le Socrate des Nuées, v. 201-204, ou comme les deux sophistes de l’Euthydème (p. 271 a).

  1. La double appellation par le nom propre et le nom du père a quelque chose de solennel qui donne à la phrase un tour plaisant.
  2. Les éloges en prose sont alors une invention récente de la sophistique.