Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome II.djvu/250

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voulais bien l’amener à causer avec moi, peut-être saurais-je t’indiquer le langage que tu devrais tenir, à la place des discours et des chants que tes amis t’attribuent. » — « Aucune difficulté, dit-il. Si tu veux bien entrer ici avec Ctésippe, t’asseoir et causer, je pense qu’il s’approchera de lui-même : car il adore entendre causer, et de plus, en raison de la fête d’Hermès[1], les adolescents aujourd’hui sont réunis aux enfants. Il s’approchera donc ; sinon, comme il est en relations avec Ctésippe, dont le cousin, Ménexène, est son compagnon le plus habituel, il suffira que Ctésippe l’appelle, s’il ne vient pas de lui-même. » — « Faisons, dis-je, comme tu le proposes. » — En même temps, je prends le bras de Ctésippe et je me dirige vers la palestre suivi de tous les autres.

Quand nous fûmes entrés, je vis que les enfants avaient fini de sacrifier et que, la cérémonie à peu près terminée, ils jouaient aux osselets, tous en costume de fête. La plupart étaient dans la cour ; quelques-uns, dans un coin du vestiaire, jouaient à pair ou impair avec force osselets qu’ils puisaient dans des corbeilles ; d’autres, en cercle, les regardaient. Parmi les spectateurs se trouvait Lysis, debout au milieu des enfants et des jeunes gens, couronne en tête, attirant les regards par un air qui ne justifiait pas seulement sa réputation de beauté, mais qui faisait voir aussi la noblesse de sa nature[2].

Nous allâmes nous asseoir du côté opposé — l’endroit étant tranquille — et nous nous mîmes à causer. Lysis, se tournant, nous regardait sans cesse, et visiblement il avait le désir de nous rejoindre. Il hésita quelque temps, n’osant approcher seul. Puis Ménexène, qui jouait dans la cour, entra, et, apercevant Ctésippe auprès de moi, vint s’asseoir à nos côtés. Lysis, qui s’en aperçut le suivit et s’assit auprès de lui. Alors d’autres arrivèrent, et notamment Hippothalès,

  1. Hermès est le patron des gymnases et des palestres. Les adolescents (νεανίσκοι) ont probablement de 14 à 18 ans, les enfants de 12 à 14. Lysis est encore un enfant, tandis qu’Hippothalès est un adolescent, tout près d’être un éphèbe. C’est seulement à 18 ans, devenus éphèbes, que les jeunes gens quittaient la palestre pour le gymnase.
  2. Littéralement : « qu’il était beau et bon ». On sait que cette expression est courante dans le langage attique pour désigner l’homme bien né et de bonne mine, l’honnête homme au sens du dix-septième siècle.