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LYSIS


Le milieu entre le bien et le mal.

— « Je déclare, par une sorte d’inspiration divinatrice[1], que ce qui est ami du beau et du bien, c’est ce qui n’est ni bon ni mauvais. Suis bien les raisons de ma divination. Il me semble qu’il existe en quelque sorte trois genres, le bon, le mauvais, et ce qui n’est ni bon ni mauvais. Qu’en dis-tu ? » — « C’est aussi mon opinion. » — « Je déclare en outre que ni le bon n’est ami du bon, ni le mauvais du mauvais, ni le bon du mauvais, puisque notre discours précédent nous interdit de le croire. Reste donc, si l’amitié existe, que ce qui n’est ni bon ni mauvais soit ami ou du bon ou de son semblable à lui-même ; car rien, je suppose, ne peut devenir l’ami du mauvais. » — « C’est la vérité. » — « Mais nous venons de dire que le semblable n’est pas non plus l’ami du semblable. N’est-ce pas vrai ? » — « Oui. » — « Ce qui n’est ni bon ni mauvais ne peut donc être ami de ce qui lui ressemble. » — « Assurément. » — « Par conséquent, c’est du bien seul que peut devenir ami cela seulement qui n’est ni bon ni mauvais. » — « La conclusion semble inévitable. »

— « Ne sommes-nous pas rentrés dans la bonne voie, ô enfants, sous la conduite de ce raisonnement ? Si nous considérons, en effet, un corps en santé, il n’a besoin ni de médecine ni de secours, il a le nécessaire, et tant qu’un homme se porte bien, il n’est pas ami du médecin pour sa santé. N’est-il pas vrai ? » — « C’est vrai. » — « Mais le malade est l’ami du médecin à cause de sa maladie ? » — « Sans doute. » — « Or la maladie est un mal, tandis que la médecine est utile et bonne. » — « Oui. » — « Le corps, en tant que corps, n’est ni bon ni mauvais. » — « C’est juste. » — « C’est à cause de la maladie que le corps est obligé d’accueillir la médecine et de l’aimer ? » — « Je le crois. » — « Ce qui n’est ni bon ni mauvais devient donc ami du bien à cause de la présence d’un mal ? » — « C’est vraisemblable. » — « Mais il l’aime avant d’être lui-même devenu mauvais par l’effet du mal qui est en lui ; une fois devenu mauvais, il ne saurait désirer le bien et l’aimer, puisque nous avons dit que le mal ne peut être l’ami du bien. » — « C’est impossible, en effet. »

— « Faites attention à mes paroles. Je dis que certaines

  1. En d’autres termes, la théorie proposée par Socrate n’est