Polos. — Oui, les choses en sont là.
Socrate. — Mais d’autre part, dans la situation inverse, s’il s’agit de quelqu’un, ennemi ou tout autre, auquel on veuille rendre un mauvais service, — à la condition seulement qu’il soit non la victime, mais l’auteur d’une injustice, car il faut prendre garde à cela, — alors, changement d’attitude, il faut faire tous ses efforts, 481en actions et en paroles, pour qu’il n’ait pas à rendre ses comptes et pour qu’il ne vienne pas devant les juges ; ou s’il y vient, s’arranger pour qu’il échappe à la punition, de telle sorte que, s’il a volé de grosses sommes, il ne les rende pas, mais les garde et les dépense pour lui-même et pour les siens d’une manière injuste et impie ; que, s’il a mérité la mort par ses crimes, autant que possible il ne meure pas, mais vive à jamais dans sa méchanceté, ou que, bdu moins, il vive le plus longtemps possible en cet état.
Voilà, Polos, les seules fins auxquelles la rhétorique me paraisse pouvoir servir utilement ; car pour l’homme qui ne songe pas à commettre d’injustice, je ne lui vois pas une grande utilité, à supposer même qu’elle en ait aucune, ce que nos précédents discours nous amenaient à lui refuser.
Calliclès intervenant demande à Socrate s’il se moque :
Socrate répond en opposant l’amoureux de Démos à l’amoureux de la philosophie.
Calliclès. — Dis-moi, Chéréphon, Socrate est-il sérieux ou plaisante-t-il ?
Chéréphon. — À mon avis, Calliclès, il est tout ce qu’il y a de plus sérieux. Mais le mieux est de le lui demander.
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Calliclès. — Par tous les dieux, j’en brûle d’envie. — Dis-moi, Socrate, devons-nous penser que tu es sérieux ou que tu plaisantes ? Car si tu parles sérieusement et si ce que tu dis est vrai, toute la vie humaine va se trouver sens dessus dessous, et nous faisons, semble-t-il, tout le contraire de ce qu’il faudrait[1].
Socrate. — Calliclès, si nos impressions, dans leur diversité, n’avaient rien de commun, si chacun de nous avait son sentiment particulier sans rapport avec ceux des autres, dil ne