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GORGIAS

cela posséder dans la cité ou le pouvoir ou même la tyrannie, ou du moins être un ami du gouvernement existant.

Calliclès. — Vois, Socrate, avec quel empressement je t’approuve quand tu as raison ! bCe que tu viens de dire me semble parfaitement juste.

Socrate. — Examine si la suite te paraît aussi juste. J’imagine que l’amitié la plus étroite est, comme le disent les anciens sages, celle du semblable pour le semblable[1]. Est-ce ton avis ?

Calliclès. — Certainement.

Socrate. — Ainsi quand le pouvoir est aux mains d’un tyran sauvage et grossier, s’il se trouve dans la cité un homme meilleur que lui de beaucoup, le tyran redoutera cet homme, cet ne saurait être sincèrement son ami ?

Calliclès. — C’est exact.

Socrate. — Mais un homme beaucoup plus mauvais que le tyran ne pourrait non plus être son ami ; car le tyran le mépriserait et ne rechercherait pas sérieusement son amitié.

Calliclès. — C’est encore vrai.

Socrate. — Reste donc que le seul homme dont l’amitié puisse avoir du prix à ses yeux, soit un homme de son caractère, aimant et blâmant les mêmes choses, par conséquent disposé à lui obéir et à s’incliner devant lui. dCet homme-là deviendra puissant dans la cité, et personne ne le maltraitera impunément. N’est-ce pas la vérité ?

Calliclès. — Oui.

Socrate. — Si donc quelque jeune homme, dans cette cité, se disait : « Comment pourrais-je devenir puissant et ne rien craindre de personne ? » il n’aurait, semble-t-il, qu’à suivre la même route et à s’habituer dès sa jeunesse à prendre les goûts et les haines du maître, pour se rendre autant que possible semblable à lui. Est-ce vrai ?

    blit bien que, dans l’un et dans l’autre, on a besoin, pour se protéger, d’une puissance — et cette puissance devient vite (509 e-510 a) un art ou une méthode — ; mais lorsqu’il en arrive à appliquer sa théorie aux deux cas séparément, il le fait de telle façon qu’en réalité seul le second (subir), qui semblait être hors de cause, soit réellement traité, le premier ne reparaissant qu’à peine et indirectement à 510 e.

  1. Cf. Hom. Od., XVII, 218 et Platon Lysis 214 b.