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MÉNON

[ou Sur la vertu, genre probatoire.]


MÉNON SOCRATE UN ESCLAVE DE MÉNON ANYTOS

Préambule :
la vertu peut-elle s’enseigner ?

Ménon. — 70 Pourrais-tu me dire, Socrate, si la vertu s’acquiert par l’enseignement ou par l’exercice, ou bien si elle ne résulte ni de l’enseignement ni de l’exercice, mais est donnée à l’homme par la nature, ou si elle vient de quelque autre cause encore ?

Socrate. — Jusqu’ici, Ménon, les Thessaliens étaient renommés et admirés en Grèce pour leur habileté dans l’équitation et pour leur richesse ; mais aujourd’hui, b ce me semble, ils le sont aussi pour leur science, et en particulier les concitoyens de ton ami Aristippe[1], les gens de Larisse. C’est à Gorgias que vous le devez. S’étant rendu à Larisse, il enflamma d’amour pour sa science les chefs des Aleuades, au nombre desquels est ton ami Aristippe, puis les principaux entre les autres Thessaliens ; si bien qu’il vous a donné l’habitude de répondre avec une généreuse assurance à toute question, comme il est naturel à des savants et comme il faisait lui-même, c s’offrant à répondre sur tous sujets au premier Grec venu, sans jamais se dérober.

Ici, Ménon, c’est tout le contraire qui s’est produit. Je ne sais quelle influence desséchante s’est abattue sur la science, qui 71 nous a quittés, je le crains, pour émigrer chez vous. Si

  1. Cet Aristippe ne doit pas être confondu avec le Cyrénaïque, disciple de Socrate. Il appartenait à la famille des Aleuades, une des