Ménon. — b Sans doute.
Socrate. — Et administrer sagement et justement, n’est-ce pas le faire avec sagesse et justice ?
Ménon. — Évidemment.
Socrate. — Ainsi donc l’homme et la femme, pour être vertueux, ont besoin tous les deux des mêmes choses, la justice et la sagesse.
Ménon. — C’est vrai.
Socrate. — Mais quoi ? L’enfant et le vieillard, s’ils sont déréglés et injustes, peuvent-ils être vertueux ?
Ménon. — Non certes.
Socrate. — Et s’ils sont sages et justes ?
Ménon. — Oui.
Socrate. — c Ainsi donc, tous les hommes sont vertueux de la même manière, puisque ce sont les mêmes qualités qui les rendent tels.
Ménon. — C’est exact.
Socrate. — Et ils ne seraient pas vertueux de la même manière s’ils n’avaient la même vertu.
Ménon. — Non certes.
Socrate. — Puisque la vertu, en définitive, est la même chez tous, tâche de te rappeler et de dire ce qu’est cette vertu suivant Gorgias, et aussi suivant toi-même, d’accord avec lui.
Première définition de la vertu en général.
Ménon. — Que peut-elle être, sinon la capacité de commander aux hommes[1], si tu cherches d une définition unique qui s’applique à tous les cas ?
Socrate. — C’est en effet ce que je cherche ; mais crois-tu Ménon, que ce soit là aussi la vertu de l’enfant et de l’esclave d’être capable de commander à son maître ? Celui qui commande est-il encore un esclave, selon toi ?
Ménon. — Je ne le crois nullement, Socrate.
Socrate. — Ce serait étrange en effet, mon cher. Aussi bien considère encore ceci : tu dis « capacité de commander » ; ne devons-nous pas ajouter : « avec justice et non autrement ? »
- ↑ Cette seconde réponse de Ménon (pour la première, voir p. 266, n. 1) l’apparente aux Polos et aux Calliclès (cf. Gorg. 468 e et 483 d) et accuse l’influence de Gorgias.