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MÉNON

son, dit-il à peu près, se fabriquait et se plaçait dans l’homme, grands et nombreux seraient les salaires que recueilleraient (les gens capables d’un tel travail).

Et encore :

Jamais d’un père honnête le fils ne deviendrait méchant,
96 S’il était docile aux sages conseils ; mais avec des leçons
Tu ne feras jamais d’un méchant un honnête homme[1].

Vois-tu comme il se contredit sur un même sujet ?

Ménon. — Cela paraît évident.

Socrate. — Est-il aucune autre chose à propos de laquelle on puisse dire comme de celle-ci que ceux qui s’en prétendent les maîtres sont tenus non seulement pour incapables de l’enseigner à autrui, mais encore pour ne pas en avoir eux-mêmes la science et pour être b mauvais précisément en ce qu’ils déclarent enseigner, tandis que ceux qu’on tient pour être personnellement d’honnêtes gens tantôt affirment et tantôt nient qu’on puisse l’enseigner ? Oserais-tu, à propos de quoi que ce soit, traiter proprement de maîtres des hommes aussi flottants ?

Ménon. — Assurément non.

Socrate. — Mais alors, si ni les sophistes ni les honnêtes gens ne peuvent enseigner cette chose, n’est-il pas évident que personne ne le pourra ?

Ménon. — Je le crains.

Socrate. — Et, c sans maîtres, point de disciples ?

Ménon. — Je crois que tu as raison.

Socrate. — Une chose qui n’a ni maîtres ni disciples n’est-elle pas, de notre propre aveu, une chose qui ne peut s’enseigner ?

Ménon. — Nous l’avons reconnu.

Socrate. — Or la vertu, semble-t-il, n’a pas de maîtres ?

Ménon. — Non.

Socrate. — Ni par conséquent de disciples ?

Ménon. — Sans doute.

    titre que celui d’orateur (ῥήτωρ) : à cet égard, il se distingue nettement de Protagoras (cf. p. 266, n. 1).

  1. Cf. Théognis vv. 33-36 et 434-38 : les deux citations sont textuelles, mais avec une interversion dans la seconde.