Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome III, 2.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
98 e
278
MÉNON

Ménon. — D’accord.

Socrate. — Cependant, nous reconnaissons qu’elle est bonne ?

Ménon. — Oui.

Socrate. — Et que, ce qui est utile et bon, c’est ce qui nous guide correctement ?

Ménon. — Sans contredit.

Socrate. — Or nous avons trouvé que deux choses seulement étaient capables de nous bien guider : 99 l’opinion vraie et la science ; avec elles, l’homme se dirige bien. Pour ce qui vient en effet du hasard, la direction de l’homme n’a rien à y voir ; et pour tout ce qui relève d’une direction humaine, il n’y a que deux guides vers le bien, l’opinion vraie et la science.

Ménon. — C’est tout à fait mon avis.

Socrate. — Mais la vertu, puisqu’elle ne peut être enseignée, cesse d’être une science ?

Ménon. — Évidemment.

Socrate. — De nos deux principes directeurs, utiles et bons, en voici donc un qui disparaît, et b la science, comme guide, est éliminée de la politique[1].

Ménon. — Je le crois.


Conclusion :
l’opinion vraie et le don divin.

Socrate. — Ainsi donc, ce n’est pas au moyen d’une certaine science ni parce qu’ils étaient savants, que ces grands hommes ont gouverné les cités, les Thémistocle et les autres qu’Anytos a rappelés. C’est pourquoi aussi ils n’ont pu réussir à transmettre aux autres leurs propres qualités, puisqu’ils ne les devaient pas à une science.

Ménon. — Il me semble, Socrate, que tu as raison.

Socrate. — La science étant donc hors de cause, reste l’opinion vraie : c’est par elle que les hommes d’État c gouvernent les cités avec succès ; à l’égard de la science, ils ne diffèrent en rien des prophètes et des devins ; car ceux-ci disent souvent la vérité, mais sans rien connaître aux choses dont ils parlent.

Ménon. — Tu pourrais bien avoir raison.

  1. La politique, au sens large du mot.