Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 2 (éd. Robin).djvu/109

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NOTICE

ces boîtes, dont l’extérieur grotesque ne laisserait pas deviner le précieux contenu (215 ab, 216 e, 221 e sq.), c’est qu’il y a en lui un secret. Dans sa personnalité il y a quelque chose d’extraordinaire, un « merveilleux » qui s’impose, mais qu’on ne s’explique pas (213 e déb., 216 e sq., 219 c déb.). Les effets de la morsure de la philosophie (218 ab) sont en outre comparables à l’engourdissement produit par le poisson-torpille du Ménon (80 ab) : Alcibiade ne sait plus où il en est (216 c, 219 d) ; la honte qu’il confesse, la honte de cette vaine confession qu’aucun repentir vrai n’a suivie (216 b), expriment justement l’inextricable embarras, l’aporia, de son esprit. En Socrate il y a donc un mystère, comme il y en a un dans l’Amour. Ce dernier mystère, Diotime l’a révélé à Socrate (cf. 209 e sq.) ; de même, Alcibiade attend de Socrate la révélation du secret inhérent à sa personnalité (217 a ; cf. 216 e, 222 a). Or, en ce qui concerne Socrate comme pour l’Amour, ce secret est une beauté qui n’a rien de commun avec la beauté physique et qui lui est infiniment supérieure ; cette beauté, Alcibiade l’a aperçue (218 e sq.), mais il ne l’a pas possédée, faute, non pas tant d’instruction, que de méthode et d’application suivie. Comme Agathon (cf. 175 de), il s’est imaginé qu’elle s’acquiert par contact et par influence, ou bien encore par échange (217 a, 218 e sq.) : il oublie que ce n’est pas la vision des yeux qui permet de la contempler (219 a ; cf. 212 a). Tel serait donc le sens symbolique du long morceau sur la continence de Socrate (217 a-219 d). À la base peuvent se trouver quelques données authentiques ou quelques légendes accréditées. Mais ce qu’il nous enseigne réellement, c’est, d’un côté, que la chasteté dans l’amour est une des conditions nécessaires pour en atteindre le terme spirituel, et, de l’autre, que le plus sûr moyen de se frustrer de la contemplation de la vraie beauté, c’est de la demander à ces entreprises de conquête dont parlait Pausanias (cf. 182 de) et qu’à son tour décrit Alcibiade, auxquelles sont liées, à titre de moyen prétendu, mais comme fin réelle, des satisfactions purement physiques.

Quant à la raison pour laquelle Socrate est un mystère, c’est que, pareil à l’Amour, il enveloppe dans l’unité de sa nature une synthèse d’opposés. Comme lui (cf. 203 cd), d’abord, il n’est point beau, ni délicat ; il ressemble physiquement à un Silène chauve et barbu ou au satyre Marsyas,