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LE BANQUET

disait-il, un autre, avec cette nouvelle que le Socrate demandé avait pris pour retraite le vestibule des voisins et qu’il y était tout droit planté : « Malgré mes appels, il refuse d’entrer. — Quelle absurdité me contes-tu ? s’écria Agathon. Vite, tu vas l’appeler encore et ne pas le lâcher ! » « b Je pris alors la parole, racontait Aristodème : “Pas du tout ! dis-je, laissez-le plutôt en paix : c’est en effet une habitude qu’il a, de s’isoler parfois ainsi et de rester planté à l’endroit où il lui arrive de se trouver. Mais il viendra tout à l’heure, à ce que je crois ; ne le troublez donc pas et laissez-lui la paix. — Eh bien ! qu’il en soit fait ainsi, puisque tel est ton avis ! repartit, paraît-il, Agathon. Quant à vous autres, valets, faites-nous dîner ! Toujours, vous servez ce qu’il vous plaît quand il n’y a personne pour vous surveiller[1] ; ce que pour mon compte je n’ai jamais fait ! Mettez-vous donc pour l’instant dans l’idée que c’est vous qui m’avez prié à souper, moi et les compagnons c que voici ; et soignez-nous de façon à mériter nos éloges !”

« Là-dessus, poursuivait Aristodème, nous nous mettons à table ; mais Socrate n’apparaissait pas ! Aussi Agathon voulut-il à plusieurs reprises l’envoyer chercher, ce dont je l’empêchai. En fin de compte, le voici qui arrive, avec moins de retard que de coutume, et pourtant, peu s’en faut, quand on en était déjà au milieu du souper ! Alors donc, disait mon narrateur, Agathon, qui se trouvait être en effet tout seul au lit du bout : “Ici, Socrate ! cria-t-il ; viens prendre place à mon côté, pour que, à ton contact, je fasse aussi mon profit d de la savante découverte qui s’est dans le vestibule présentée à ton esprit. Car, manifestement, tu as trouvé ton affaire, et tu la tiens : tu ne serais pas parti avant !” Et voilà Socrate qui s’assied, en disant : “Quel

    convives par lit, mais (cf. 213 ab) trois peuvent aussi y trouver place. Le maître de maison occupe le lit du bout (175 c fin) et, sur ce lit, c’est à sa droite qu’est la place d’honneur (cf. déb.), celle qu’Agathon réserve à Socrate. Cette disposition est rendue très claire par 222 e. Voir dans l’éd. de Iahn, p. 38, la représentation d’un banquet d’après un vase peint.

  1. On traduit d’ordinaire : Servez absolument… (impératif). Mais la suite est alors difficilement intelligible et oblige à d’arbitraires corrections. Après en (Class. Quart. 1915, p. 203), Wilamowitz (Platon² II, 358) l’a bien vu : Agathon dit (indicatif)