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LE BANQUET

la nôtre, pour permettre à un bien-aimé d’accorder honorablement ses faveurs à un amant. Telle est en effet la règle chez nous : tout comme il n’y avait, dans le cas des amants, nulle flatterie de leur part à accepter d’être, en un inimaginable esclavage, c les esclaves de leurs bien-aimés et là rien non plus qui fût sujet à blâme, de même, de l’autre côté aussi, il reste un seul esclavage volontaire qu’on ne blâme pas, et c’est celui qui a le mérite pour objet. Il est bien vrai en effet que cette maxime est instituée chez nous que, si l’on accepte d’être au service d’un autre avec l’idée que cet autre contribuera à notre amélioration, soit pour telle branche du savoir, soit dans toute autre partie de ce qui constitue le mérite, il n’y a pourtant dans cet esclavage par consentement aucune laideur[1] et pas davantage de flatterie. Eh bien ! il faut réunir en une seule ces deux règles, celle qui concerne l’amour des jeunes garçons d et celle qui concerne le désir du savoir ou toute autre forme du mérite, si l’on veut que l’embellissement moral du bien-aimé résulte des bontés qu’il a pour son amant. Arrive-t-il en effet que toujours concourent au même point et l’amant et le bien-aimé ? chacun des deux a sa règle propre : pour celui-là, envers le bien-aimé qui a eu pour lui des bontés, de se mettre à ses ordres sur toute chose où il peut être juste de s’y mettre ; pour celui-ci de faire, envers l’homme à qui il doit savoir et moralité, office de second sur toute chose où il peut y avoir, de sa part, justice à le seconder. Le premier étant ainsi capable d’une contribution dont l’objet est l’intelligence et toute sorte de mérite en général, le second ayant besoin e de gagner dans le sens de l’éducation et généralement du savoir,

    et les contrastes que révèle la coutume d’Athènes (182 d), et l’application, au cas particulier de l’amour, du principe général posé 180 e. La condition d’amant et la condition d’aimé ont, dira-t-il, chacune sa règle propre, qui est pour le premier de rendre l’autre meilleur et plus instruit, pour le second de se prêter docilement à cette éducation. Ils sont tous deux assujettis, de leur plein gré, aux devoirs spéciaux de leur état. Seules, la rencontre et la coïncidence de ces devoirs distincts autorisent et légitiment leur mutuel amour.

  1. Dans ce libre esclavage, opposé (183 a) à l’esclavage de condition, chacun est à la fois maître et esclave. Mais, Pausanias le spécifiera, ces obligations spéciales se croisent avec celles de la Justice.