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LE BANQUET

à quantité d’autres objets et dans les autres domaines, dans le corps de tous les animaux comme dans ce qui pousse sur la terre, et, à bien dire, dans tous les êtres[1]. Voilà l’observation que me fournit, me semble-t-il, la médecine, notre art : c’est un grand dieu que l’Amour, un dieu admirable, b et dont l’action s’étend à tout, dans l’ordre des choses humaines comme dans celui des choses divines.

L’Amour envisagé du point de vue des arts.
Médecine.

“Et maintenant, c’est de la médecine que je ferai partir mon discours[2], dans l’intention en outre de témoigner à l’Art notre vénération. La constitution naturelle des corps comporte ce double amour. Pour le corps en effet l’état sain et l’état de maladie sont, tout le monde en convient, deux états distincts et qui ne se ressemblent pas. Or les dissemblables ont désir et amour de choses dissemblables. Autre est donc l’amour inhérent à l’état sain, autre l’amour inhérent à l’état morbide. Dès lors, exactement comme tout à l’heure Pausanias disait qu’il est beau de donner ses faveurs c à ceux des hommes qui sont vertueux, et laid de le faire pour des hommes déréglés, ainsi dans le cas même des corps : aux bons éléments de chacun d’eux, aux éléments sains, il est beau, il est obligatoire, de se montrer favorable (et c’est cela qu’on appelle faire de la médecine), tandis qu’à l’égard des éléments mauvais et malsains cela est laid, et il y a obligation de leur être défavorable si l’on est fait pour être un bon praticien. Car la médecine, pour la définir en raccourci, est science des phénomènes d’amour[3] qui sont propres au corps par rapport à la réplétion et à la vacuité ; et celui qui, dans ces phénomènes, sait diagnostiquer aussi bien le bon amour que le mauvais, c’est lui 186 qui a le plus de valeur médicale. De même celui qui opère des transformations, telles qu’au lieu

  1. Autrement dit, une même cause, l’amour, produit, on va le voir, des effets contraires. Éryximaque pressent que, dans tout ordre de phénomènes, unique est la loi et du normal et de l’anormal.
  2. La médecine d’abord, car elle est pour lui l’Art, tout court. Dans la collection hippocratique le traité De l’Art (d’un Sophiste du ve s.) est une apologie de la médecine. Même prétention du reste chez les rhéteurs : cf. L’Art de Gorgias, Le grand art de Thrasymaque.
  3. De même musique (187 c), astronomie, divination (188 b, d).