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LE BANQUET

en résulter ; et, je le répète, avec ce qui est opposé et qui ne s’accorde pas on ne peut faire une harmonie. C’est justement de la même façon encore que le rythme résulte du rapide et du lent, savoir de c termes d’abord opposés, mais qui ultérieurement se sont accordés. Et ce qui en toutes ces oppositions introduit l’accord, de même que là c’était la médecine, ici c’est la musique, créatrice en elles d’amour mutuel et de concorde ; et ainsi à son tour la musique est, dans l’ordre de l’harmonie et du rythme, une science des phénomènes d’amour. De plus, s’il est bien vrai que, dans la constitution d’une harmonie comme d’un rythme, le diagnostic des phénomènes d’amour n’offre nulle difficulté ; que dans ce moment il n’y a pas trace non plus d’une dualité de l’amour ; par contre, aussitôt qu’on devra utiliser en relation avec l’homme d le rythme et l’harmonie, soit qu’on en crée (donc, ce qu’on appelle la composition lyrique), soit qu’on fasse un légitime emploi de ces compositions, aussi bien métriques que mélodiques (donc, ce qui a reçu le nom d’éducation littéraire), voilà certes le moment dans lequel apparaît, avec la difficulté, le besoin d’un professionnel qualifié. Une fois de plus en effet on voit revenir la même idée : les hommes de bonne conduite, ce sont eux, et en vue d’améliorer éventuellement si elle en a encore besoin la nôtre propre, qui doivent être l’objet de nos faveurs ; ce qu’il faut sauvegarder, c’est l’amour dont ils sont l’objet ; celui-ci est le bel amour, celui qui est céleste, Uranien, celui qui relève de la muse Uranie. Quant à l’autre, celui de Polymnie[1], e c’est l’amour populaire, le Pandémien, lequel exige de la prudence dans l’application, par rapport à ceux à qui il pourra être appliqué, de façon à en cueillir la jouissance sans qu’il en résulte aucun dérèglement. De même, dans notre art, c’est une grande affaire de savoir comment en bien user avec les désirs qui concernent la bonne chère, et de telle sorte qu’on en cueille la jouissance sans pourtant se rendre malade. Ainsi donc, en musique, en médecine, et en tout autre ordre de choses, soit humaines, soit divines, chacun des deux amours réclame notre vigilance, dans la limite où il y a droit ; 188 car l’un comme l’autre y a sa place[2].

  1. Le sens de ce passage est incertain ; cf. Notice p. lv n. 1.
  2. Mais, on l’a vu (187 c fin et sq.), seulement dans l’usage et