— Poursuivons donc, reprit Socrate, et dans ce qui a été dit récapitulons les points d’accord : premièrement n’est-ce pas en relation à tels ou tels objets qu’existe l’amour, et secondement en relation aux objets dont il est actuellement dépourvu ? — 201 Oui, répondit-il. — Et là-dessus rappelle-toi maintenant à quels objets tu as dit dans ton discours que l’Amour est relatif[1]. Mais, si tu veux bien, c’est moi qui te le rappellerai. Voici en effet, je crois, à peu près comment tu t’es exprimé : « Les dieux ont vu se régler leurs démêlés par la vertu de l’amour des belles choses, attendu que des laides il ne saurait y avoir amour. » N’est-ce pas à peu près ainsi que tu parlais ? — Ce sont en effet mes paroles, dit Agathon. — Et ta réponse, mon camarade, repartit Socrate, est, ma foi, juste ce qu’il faut[2] ; c’est-à-dire, que s’il en est bien ainsi, l’Amour devra n’être amour que de la beauté, et non de la laideur ?” Il en convint. “L’accord ne s’est-il pas fait sur ce point, que ce dont l’Amour est dépourvu et qu’il ne possède pas, c’est de cela b qu’il est amoureux ? — Oui, fit-il. — C’est donc que l’Amour est dépourvu de la beauté et ne la possède pas. — Forcément, dit-il. — Mais quoi ? Ce qui est dépourvu de beauté et n’a en aucune façon de beauté à soi, est-ce que, toi, tu l’appelles beau ? — Non, bien sûr ! — Es-tu toujours, après cela, de l’avis que l’Amour est beau, si c’est ainsi que sont les choses ?” Alors Agathon : “Il est fort possible, dit-il, que je n’aie rien entendu, Socrate, à ce dont je parlais à ce moment-là[3] ! — N’empêche, Agathon, que ton langage fut bien beau ! répliqua Socrate. c Mais j’ai encore une petite question à te poser : les choses bonnes ne sont-elles pas en outre belles, à ton sens ? — Oui, à mon sens. — Si donc l’Amour est dépourvu de ce qui est beau, il devra être pareillement dépourvu de ce qui est bon. — Moi, Socrate, repartit Agathon, je ne serais pas de taille à soutenir contre toi une controverse : n’insistons pas, et qu’il en soit comme tu dis[4] ! — Vraiment non ! c’est, dit Socrate, contre la
- ↑ Voir 197 b et sur ceci, avec la suite, Notice p. lxxv sq.
- ↑ Juste ce qu’il faut pour faire apparaître la contradiction.
- ↑ Pris au piège, Agathon allègue une méprise passagère.
- ↑ La mauvaise humeur d’Agathon éclate, comme celle de Cal-
présent. Donc ce qu’on souhaite, c’est que le présent se continue dans le futur. Il n’y a pas lieu de contester le texte.