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LE BANQUET

vérité, Agathon, mon doux ami, que tu n’es pas de taille à soutenir la controverse. Car, contre Socrate au moins, ce n’est pas du tout difficile !


Socrate raconte son entretien avec Diotime.

“Aussi bien, toi, je vais maintenant te laisser la paix ! d Écoutez plutôt le discours que, concernant l’Amour, j’ouïs un beau jour d’une femme de Mantinée, nommée Diotime[1], laquelle sur ce chapitre était savante comme aussi sur une foule d’autres… C’est ainsi que, grâce à un sacrifice offert, une fois, par les Athéniens avant la peste[2], elle fit reculer de dix ans l’éclosion de l’épidémie, et c’est elle justement qui m’a instruit aussi des choses de l’Amour !… Le discours, donc, que me tint la femme en question, je m’en vais essayer de vous le rapporter, en partant de ce dont nous sommes convenus, Agathon et moi, et, bien que livré à mes propres moyens, du mieux que je pourrai. On doit, c’est toi-même, Agathon, qui as donné cette indication, expliquer d’abord ce qu’est l’Amour lui-même, e sa nature et ses attributs, et ensuite ses œuvres. Aussi le plus facile pour moi, c’est, à mon avis, de suivre dans mon exposé la marche même de l’Étrangère quand elle me faisait subir ses interrogatoires[3]. À peu de chose près, en effet, mon langage avec elle était une fidèle réplique de celui qu’avec moi tenait Agathon tout à l’heure : que l’Amour doit être un grand dieu et s’attacher à ce qui est beau ; La nature de l’amour :
c’est un être intermédiaire ;
et elle me réfutait précisément par ces raisons mêmes qui m’ont servi à l’égard d’Agathon : que, à s’en rapporter à mon propre langage, il devait n’être ni beau, ni bon. « Que dis-tu ? objectais-je à Diotime : l’Amour est-il donc laid et mauvais ? — Pas de blasphème ! s’écriait-elle alors ; ou te figures-tu, par hasard, que ce qui ne serait pas beau doive être nécessairement laid ? — 202 Bien sûr ! — Est-ce que, de même, ce qui n’est pas savant est igno-

    liclès, Gorg. 505 c. La réponse de Socrate rappelle Phédon 91 bc.

  1. Sur le personnage, voir Notice, p. xxii-xxvii.
  2. C’est la fameuse peste de 430, qui emporta Périclès (429).
  3. Socrate doute d’être capable d’exposer en un discours suivi la conception de Diotime, et en se tenant au plan d’Agathon. Aussi préfère-t-il, fidèle à la méthode dialectique, reconstituer leur entretien.