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LE BANQUET

entre ses doigts le profit de ces expédients ; si bien que jamais Amour n’est ni dans le dénûment, ni dans l’opulence.

« D’un autre côté, il est à mi-chemin et du savoir et de l’ignorance. Voici en effet ce qui en est[1]. Il n’y a pas de dieu qui s’occupe à philosopher, ni 204 qui ait envie d’acquérir le savoir (car il le possède), et pas davantage quiconque d’autre possédera le savoir ne s’occupera à philosopher[2]. Mais, de leur côté, les ignorants ne s’occupent pas non plus à philosopher et ils n’ont pas envie d’acquérir le savoir ; car c’est essentiellement le malheur de l’ignorance, que tel qui n’est ni beau, ni bon, ni intelligent non plus, s’imagine l’être autant qu’il faut[3]. Celui qui ne pense pas être dépourvu n’a donc pas le désir de ce dont il ne croit pas avoir besoin d’être pourvu. — Dans ces conditions, quels sont, Diotime, ceux qui s’occupent à philosopher, puisque ce ne sont ni les savants, ni les ignorants ? — Voilà qui est clair, b répondit-elle, un enfant même à présent le verrait[4] : ce sont les intermédiaires entre l’une et l’autre espèce, et l’Amour est l’un d’eux. Car la science, sans nul doute, est parmi les choses les plus belles ; or l’Amour a le beau pour objet de son amour ; par suite il est nécessaire que l’Amour soit philosophe et, en tant que philosophe, intermédiaire entre le savant et l’ignorant. Mais ce qui a fait aussi qu’il possède ces qualités, c’est sa naissance : son père est savant et riche d’expédients, tandis que sa mère, qui n’est point savante, en est dénuée[5]. Voilà quelle est en somme, cher Socrate, la nature de ce démon. Quant aux idées que tu te faisais, toi, sur l’Amour, il n’est pas surprenant c du tout que tu t’y sois laissé prendre. C’est que dans ton idée, ainsi que je crois en trouver la preuve dans ce que tu dis toi-même, ce qu’est

    à leur place après il revit de nouveau, et ce qui suit les complète. La transposition semble donc s’imposer.

  1. Ce qui suit découle de 202 a, en même temps que de 200 a-e, 202 d. — Pour la fin de ce morceau, cf. Notice p. xcvii.
  2. Définitions analogues dans Lysis 218 ab et Phèdre 378 d.
  3. L’idée est souvent exprimée, sous diverses formes : comparer principalement Soph. 229 c, 230 a ; Apol. 29 b ; Ménon 84 c (cf. n. 2).
  4. Si Socrate se fait traiter lui-même de façon si cavalière, Agathon se sentira moins humilié de cette réfutation indirecte.
  5. La généalogie mythique symbolise donc l’explication logique qui précède.