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LE BANQUET

l’Amour c’est l’objet aimé et non pas le sujet aimant. Voilà pourquoi, je pense, l’Amour t’apparaissait doué d’une beauté sans bornes. Et de fait, ce qui est aimable, c’est ce qui est réellement beau, délicat, parfait, digne de toutes les félicités ; mais autre est justement l’essence de ce qui est aimant, et telle que je te l’ai expliquée. »


Les bienfaits de l’amour

“Je pris alors la parole : « Eh bien donc ! continuons, Étrangère qui dis de si belles choses[1] ! Telle étant la nature de l’Amour, à quoi sert-il dans la vie humaine[2] ? — C’est justement, dit-elle, ce qu’après cela, Socrate, d je vais essayer de t’apprendre. Il est entendu en effet que tel est l’Amour et telle, son origine ; entendu d’autre part qu’il se rapporte à ce qui est beau, ainsi que tu l’assures. Or, supposons que nous soit posée cette question : « En quoi, Socrate, et toi, Diotime, consiste l’amour de ce qui est beau ? » ou, plus clairement sous cette forme : « Celui qui aime les belles choses, aime ; qu’est-ce qu’il aime[3] ? » — Qu’elles finissent par être à lui, répondis-je. — Mais la réponse réclame, dit-elle, une nouvelle question, dans ce genre : « Qu’en sera-t-il pour « l’homme dont il s’agit, une fois que les belles choses seront à lui ? » Je lui déclarai que je n’étais pas encore tout à fait en mesure de répondre à cette question aisément : « e Eh bien ! dit-elle, fais comme si l’on changeait, qu’à la place du beau on mît le bien et qu’on te demandât : « Voyons, Socrate, celui qui aime les choses bonnes, aime ; qu’est-ce qu’il aime ? » — Qu’elles finissent par être à lui, dis-je. — Et qu’en sera-t-il pour l’homme dont il s’agit, une fois que les choses bonnes seront à lui ? — Voici, repartis-je, une réponse que je suis en mesure de faire plus commodément : il sera heureux. — C’est en effet, dit-elle, par la possession 205 de choses bonnes que sont

  1. Cf. p. 56, 4 : la fiction veut que, par contraste, le savoir de Diotime soit constamment exalté ; cf. aussi 206 b, 207 c.
  2. En accord avec ce qui a été dit 202 d fin, on en a fini avec la nature de l’Amour (cf. 204 b fin) et on passe à la considération de son rôle ou de ses effets.
  3. Si l’on garde le texte de la vulgate, on traduira : je te le dirai (ἐρῶ) plus clairement… : celui qui aime les belles choses, qu’est-ce qu’il aime ? Mais, outre que la leçon ἐρᾷ semble la plus ancienne, on