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LE BANQUET

de se rendre compte que la beauté qui réside en tel où tel corps b est sœur de la beauté qui réside en un autre, et, supposé qu’on doive poursuivre la beauté qui réside dans la forme, que ce serait le comble de la folie de ne pas tenir pour une et identique la beauté qui réside dans tous les corps, mais que cette réflexion doit plutôt faire de celui qui aime un amoureux de tous les beaux corps et relâcher d’autre part la force de son amour à l’égard d’un seul parce qu’il est arrivé à dédaigner ce qui, à son jugement, compte si peu ! Après quoi, c’est la beauté dans les âmes qu’il estimera plus précieuse que celle qui appartient au corps : au point que, s’il advient qu’une gentille âme se trouve[1] en un corps c dont la fleur n’a point d’éclat, il se satisfait d’aimer cette âme, de s’y intéresser et d’enfanter de semblables discours, comme d’en chercher qui rendront la jeunesse meilleure ; et c’est assez pour le contraindre maintenant[2] d’envisager ce qu’il y a de beau dans les occupations et dans les règles de conduite ; c’est même assez d’avoir aperçu la parenté qui à soi-même unit tout cela, pour que désormais la beauté corporelle ne tienne qu’une petite place dans son estime ! Après les occupations, c’est aux connaissances que le mènera son guide, pour que cette fois il aperçoive la beauté qu’il y a en celles-ci et pour que, portant ses regards sur la vaste région déjà occupée par le beau, d cessant de lier comme un valet sa tendresse à une unique beauté, celle de tel jouvenceau, de tel homme,

    Saint des Saints ou de Graal. Alors l’initié contemple (époptie) et adore. Mais il lui faut un guide, un initiateur, et aussi une préparation, telle que celle par laquelle Diotime a purifié l’esprit de son disciple (cf. 211 bc ; Phédon 69 b-d).

  1. Ou : même en un corps…, si on garde, en le corrigeant d’ailleurs, le καὶ ἐὰν ou καὶ ἂν des Mss. Mais c’est probablement la répétition fautive des mêmes mots, à la ligne précédente.
  2. En se reportant à la fin de la phrase et surtout au résumé de 211 c, on verra qu’il n’y a pas ici un nouveau degré de l’ascension. L’aperception de la beauté dans les règles de la conduite ou dans ses œuvres est liée à celle de la beauté spirituelle et de ce qu’elle promet. La parenté qui est ensuite affirmée serait donc, en contraste avec la beauté plastique, celle de l’âme avec l’usage qu’elle fait de ses pouvoirs (cf. 209 bc). Ainsi, avant le terme, il y aurait trois degrés, et non quatre (cf. Notice p. xciii).