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LE BANQUET

Ou est-ce autrement que tu t’y prendras ? — Je dirai la vérité ; à toi de voir si tu acceptes ! — Mais, bien sûr, oui ! la vérité, je l’accepte et je t’invite à la dire. — Je n’y manquerai pas ! repartit Alcibiade. Et d’ailleurs, voici ce que tu as à faire : s’il m’arrive de dire quelque chose qui ne soit point vrai, ne me laisse pas continuer, interromps à ta guise, et dis-moi : « Là-dessus, tu mens… » ; car ce ne sera jamais avec intention 215 que je mentirai. En tout cas si, tandis que je rappelle mes souvenirs, il m’arrive de battre la campagne dans mon discours, tu ne devras pas t’en étonner le moins du monde ; car il n’est pas du tout facile, avec une nature déroutante comme la tienne, et quand on est dans l’état où je suis, de ne pas s’embrouiller et d’énumérer les choses avec suite !

Alcibiade prononce l’éloge de Socrate.

“Cet éloge de Socrate, Messieurs, voici comment je me propose de l’entreprendre : en recourant à des images ! L’intéressé, probablement, ne manquera pas de penser que c’est dans l’intention de grossir la bouffonnerie ; non ! l’image viendra ici en vue de la vérité, non de la bouffonnerie. Voici donc ce que je déclare : c’est qu’il est tout pareil à ces silènes qu’on voit exposés dans les ateliers de sculpture, b et que les artistes représentent tenant un pipeau ou une flûte ; les entr’ouvre-t-on par le milieu, on voit qu’à l’intérieur ils contiennent des figurines de dieux ! Et je déclare, en second lieu, qu’il a l’air du satyre Marsyas. Ce qu’il y a de sûr, Socrate, c’est que, pour les traits au moins, tu as avec ceux que j’ai dits une ressemblance que, toi-même sans doute, tu ne voudrais pas contester. Mais que, pour tout le reste, tu en aies encore l’air, écoute la suite. Tu es un insolent moqueur. Ce n’est pas vrai ? Si tu n’en conviens pas, je produirai des témoins. « Mais je ne suis pas flûtiste ! » diras-tu. Tu l’es, infiniment plus merveilleux que celui dont il s’agit. Lui, vois-tu, c il avait besoin d’instruments pour charmer les hommes par la vertu qui émanait de sa bouche, et, aujourd’hui encore, quiconque jouera ses mélodies sur la flûte ; car celles que jouait Olympe, je dis, moi, qu’elles sont de Marsyas, et que c’est lui qui l’a instruit[1]. Donc, ses mélodies à lui, exécutées sur la flûte, par un bon flûtiste aussi bien

  1. La rivalité de Marsyas avec Apollon est celle de la flûte et de la cithare. De vieux airs passaient pour être d’Olympe, son élève.