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LE BANQUET

dîner, d et comme justement on était alors en été, transportèrent dehors leurs lits de camp : en même temps qu’ils couchaient à la fraîche, en même temps aussi ils surveillaient si Socrate passerait encore la nuit debout. Or, debout il resta jusqu’à ce que le jour parût et que se fût levé le soleil ! Puis, après avoir fait à celui-ci sa prière, il quitta la place et s’en alla.

Son courage.

“Et maintenant, aux combats, si vous le voulez bien ! n’est-il pas juste sur ce point de s’acquitter envers lui ? Quand eut lieu ce combat, celui à la suite duquel les généraux me donnèrent l’insigne de l’honneur, ce n’est à personne au monde que j’ai dû mon salut, sinon à cet homme ! J’étais blessé ; il ne consentit pas e à m’abandonner ; bien au contraire, il sauva tout à la fois, et mes armes, et moi-même[1]. C’est alors aussi, Socrate, que j’invitai, moi, les généraux à te le donner à toi, cet insigne de l’honneur ; voilà au moins un fait sur lequel je n’encourrai de ta part ni récrimination ni démenti. Eh bien non ! Les généraux n’avaient d’yeux en effet que pour l’homme de qualité, et leur désir de me donner cette distinction fut dépassé par ton entêtement à prétendre que, plutôt que toi, c’était moi qui la devais recevoir ! Il valait la peine encore, je vous le dis, Messieurs, d’examiner Socrate au moment où 221 l’armée en déroute se retirait de Délion. Il arriva en effet que je me trouvai tout près de lui : j’avais un cheval ; lui, le fourniment de l’hoplite[2] ! Donc, il se retirait au milieu de la débandade commencée de nos hommes et marchant de compagnie avec Lachès. C’est à cet instant que le hasard me les fait rencontrer ; je leur crie d’avoir courage ; je leur dis que je ne les abandonnerai pas ! Là j’ai pu, mieux encore qu’à Potidée, examiner Socrate ; car le fait d’être à cheval me permettait d’avoir moins à craindre. D’abord, c’est de beaucoup qu’il l’emportait sur Lachès pour la b présence d’esprit. Et puis j’avais, oui, tout à fait l’impression que, comme dit ce vers qui est de toi, Aristophane, là aussi il circulait, exactement comme dans Athènes : se rengorgeant et lançant des coups d’œil

  1. Ce que sur ce combat raconte Plutarque (Alcib. 7) dérive du Banquet, et Thucydide ne fait à cela (I 63) aucune allusion. Chez les témoins postérieurs il y a du reste des variantes de ce récit.
  2. Autrement dit, il porte une lourde charge, qui, par rapport à