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LE BANQUET

Phédon ? Les Saints, les Purs, les vrais philosophes, jouiront après la mort de la félicité divine, aussitôt que, définitivement affranchis de toute solidarité avec le corps, ils seront sortis du « cercle des générations » (81 a, 114 c ; cf. 69 cd, 83 de). Ayant acquis de la sorte une immortalité aussi réelle que celle des dieux, ils seront donc parvenus, se dira-t-on, à ce terme de l’amour dont il sera bientôt parlé et où s’achève son effort pour réaliser son objet. Devrons-nous supposer que l’amour s’évanouit alors ? De nouveau la question se posera, mais sur des données plus complètes, lorsque Platon nous aura conduits jusqu’à ce terme. Il suffisait maintenant de l’avoir indiquée.

La démonstration se poursuit avec de nouveaux exemples. Qu’on se rappelle ce qui a été dit (207 ab) de l’état anormal où l’amour, et tout ce qui s’y rattache, met les bêtes, et l’observation, alors simplement indiquée, que chez les hommes on se représente au contraire des actes analogues comme les effets d’une intention réfléchie. Or, si l’on envisage tous les actes déraisonnables auxquels conduit l’ambition de se faire un nom (cf. p. 64, n. 3) et de survivre éternellement dans la mémoire des hommes ; si l’on envisage tous les dévouements extraordinaires qui vont jusqu’au sacrifice de la vie, alors on se rend compte que la réflexion n’y est pour rien. Ce que souhaitent ces gens-là, sans qu’ils y pensent, c’est que leurs mérites soient « connus de toute la terre et même des gens qui viendront » quand, eux, ils ne seront plus[1]. En d’autres termes, ce qui les fait agir, c’est encore la même aspiration, non moins instinctive que chez les bêtes, vers l’immortalité (208 b-e). — Ainsi s’achève l’étude des divers faits qui attestent cette aspiration. Ils ont illustré, tant dans l’intérieur même de l’agent que dans ses rapports avec autrui, amis, parents, compatriotes, postérité, les énigmatiques vaticinations de Diotime (cf. 206 b-207 a). Maintenant il est possible d’en comprendre la signification et d’en marquer la portée.

b. Ce qui suit est donc un retour au thème de la procréation et de l’enfantement dans la beauté, selon le corps et selon l’âme. Sur l’aspect corporel c’est assez d’une indication : ce que nous aimons dans la descendance que nous nous donnons, c’est la conservation de notre nom, de notre réputa-

  1. Comme dira Pascal, Pensées, éd. Brunschvicg, nos148 et 153.