Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/105

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NOTICE

s’applique sans cesse à se les rappeler, en suivant la voie dont on vient de parler, que son âme est toujours prête à s’élever vers la perfection du mystère auquel il est parfaitement initié. Mais ainsi il se désintéresse de tout ce qui passionne le reste des hommes : on le prend donc pour un fou[1], tandis qu’en vérité il est possédé d’un dieu.

Le délire d’amour, son origine et ses caractères.

A. — Or c’est justement la même chose qui a lieu dans la quatrième forme du délire, le délire d’amour (249 d 4 sqq.). La vue d’une beauté dans l’ordre sensible provoque le ressouvenir de la Beauté véritable ; l’âme de l’amoureux se sent redevenir ailée, elle voudrait s’envoler et elle ne le peut pas. Mais cette impatience de s’élever ne détache pas des choses de la terre l’amoureux moins qu’elle n’en détachait le philosophe, et lui aussi il passe pour être fou, fou d’amour. Or cette forme de la possession divine est, tout au contraire, la meilleure entre toutes celles qui ont été énumérées. Bien plus, le développement entier est conçu de façon à suggérer que ce délire d’amour est un équivalent de cet autre délire dans lequel la foule fait consister la philosophie. Et de part et d’autre c’est la forme excellente, à la fois pour celui qui en est le sujet, l’amant ou le philosophe, et pour celui qui en est l’objet, l’aimé ou le jeune homme à qui le philosophe brûle de se consacrer[2].

    sidéraux et à plus forte raison les autres ne sont pas éternels à la rigueur (41 d déb. ; cf. 40 e-41 a), on peut cependant les considérer comme tels (40 b). Mais, à prendre littéralement l’exposé du Timée, on voit que cet éternel Démiurge a travaillé d’après un modèle qui est lui-même éternel et absolument parfait (28 a-29 a, 30 d sq.), duquel on aurait quelque peine à le distinguer s’il n’était pas l’artisan d’une copie. Dès lors, en quoi serait-il choquant que les réalités intelligibles, toujours identiques à elles-mêmes et qui sont le modèle, c’est-à-dire les Idées, fussent appelées par Platon « les dieux éternels » ? L’expression s’accorde avec celle de « dieu futur », appliquée au monde en opposition à la perpétuelle existence du Démiurge (34 a), et elle se retrouve à la fin du Timée (92 c), où le monde est appelé « le dieu sensible qui est la copie du dieu intelligible ».

  1. Comparer Banquet, 218 d (discours d’Alcibiade).
  2. À l’opposé de ce que faisaient les deux premiers discours, qui ne se plaçaient qu’au point de vue de l’intérêt de l’aimé et qui tentaient de prouver à celui-ci que son avantage est de céder à l’amant