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PHÈDRE

fond de l’abîme où elle est à présent plongée, c’est alors seulement qu’on pourra discerner sa véritable nature, « s’il y a en elle pluralité de forme ou bien unicité, ou bien en quel cas il en est ainsi et de quelle manière. ». Or, vers la fin du Phédon (107 ab), Platon indiquait que les postulats fondamentaux de sa doctrine de l’âme avaient besoin d’être approfondis. Quand il écrit le livre X de la République, et bien qu’un grand pas ait été fait avec le livre IV dans le sens de la composition, il n’estime pourtant pas avoir encore complètement élucidé le problème. Il remet donc à plus tard de décider si, dans la vérité de son essence, l’âme est simple ou bien composée, dans quels vivants elle est simple, dans quels autres composée et enfin quelle est la modalité de cette composition ou de cette simplicité.

À l’époque du Phèdre, il semble au contraire avoir pris parti : l’âme dans son essence est une chose composée. En disant « dans son essence » on veut parler seulement, puisque l’âme n’est pas une Idée, de la plénitude et de la perfection de la sorte de réalité qu’elle est. Or il n’est pas douteux que, d’après le Phèdre, les âmes qui habitent le ciel : âmes des dieux, âmes des démons, âmes qui recevront un jour la forme humaine, sont toutes, à ce stade de l’existence, des âmes composées. La différence qu’il y a entre elles, c’est que, dans les attelages constituant les âmes des deux premières catégories, les chevaux sont également excellents, et parfaits les cochers. Ceux-ci seront donc bien à l’aise, une fois le char parvenu sur le dos de la voûte céleste, pour contempler les réalités vraies du lieu supra-céleste ; ils ne connaîtront pas les tribulations des cochers qui, de leurs deux chevaux, en ont un qui est rétif (246 ab, 247 b, 248 ab). Ainsi, dans les âmes divines elles-mêmes, il y a donc les mêmes facteurs que dans les nôtres : des désirs, de la retenue et un principe directeur dont la fonction est proprement de connaître le vrai. — Mais, dira-t-on, si les désirs sont dans les âmes divines toujours bons, qu’est-il besoin de retenue ? Et, si la retenue est alors dans le désir même, qu’a-t-on besoin d’une direction ? Il ne reste plus au principe à qui semblait en incomber la fonction que l’exercice de la pensée pure. La composition à la vérité ne disparaît pas pour cela ; mais elle se réduirait à deux termes dont l’un est dynamique et l’autre statique : un moteur parfaitement réglé et une intel-