Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/185

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NOTICE

si son éloquence s’applique encore aux mêmes objets que maintenant. C’est rappeler discrètement à Isocrate, devenu professeur d’éloquence et auteur de discours d’apparat, des débuts dont à présent il rougit et son ancienne carrière de « logographe ». — Mais peut-être ces succès écrasants, que le progrès de l’âge doit assurer à Isocrate, ne lui suffiront-ils pas ; peut-être un élan plus divin le portera-t-il plus haut encore. Ne serait-ce pas une allusion à la prétention qu’a eue Isocrate d’être le conseiller de la politique athénienne, à l’intérieur comme à l’extérieur ? Le Panégyrique d’Athènes, vers 380, en fut la première manifestation. Que peuvent valoir au regard d’un Platon, bâtisseur de la Cité future, de telles ambitions chez cet homme qui n’est qu’un vieux routier de la chicane judiciaire et des artifices rhétoriques ? — On revient pour finir à l’idée initiale des dons naturels : si Isocrate atteint un jour l’apogée de sa gloire, c’est que la nature a mis dans sa pensée une certaine philosophie. Quelle sorte de philosophie ? La sienne évidemment : la philosophie du sens commun, des opinions accréditées, celle qui dédaigne un pur savoir, sans emploi dans la vie pratique, pour ne s’attacher qu’aux moyens de réussir ; bref, tout ce que Platon méprise le plus au monde et contre quoi sa philosophie entière est une ardente protestation. — En résumé donc, si le Phèdre n’est pas une œuvre de jeunesse, il semblera difficile[1] de voir où Platon, même au temps où l’ancien logographe, qui vient d’ouvrir son école, publie le discours Contre les sophistes (391/0), aurait pu trouver matière à honorer sérieusement Isocrate du compliment qui termine le Phèdre.

VII

ÉTABLISSEMENT DU TEXTE ET APPARAT CRITIQUE

Manuscrits.

Des quatre manuscrits qui ont été utilisés pour le Phédon et le Banquet, trois seulement contiennent le Phèdre : il manque en effet dans

  1. On connaît le mot de Cicéron, Orator 13, 47 : Haec de adulescente Socrates auguratur, at ea de seniore scribit Plato. Il ajoute qu’on ne sera pas de l’avis de Platon, si l’on n’aime pas Isocrate. Mais la question est plutôt de savoir si Platon pouvait l’aimer.