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PHÈDRE

circulaire la ramène au même point. Or, tandis qu’elle accomplit ce tour, elle a sous les yeux la Justice en elle-même, sous les yeux la Sagesse ; elle a sous les yeux un savoir qui n’est pas celui auquel est lié le devenir, qui n’est pas non plus celui qui se diversifie avec la diversité des objets auxquels il s’applique et auxquels, e dans notre présente existence, nous donnons le nom d’êtres, mais le Savoir qui s’applique à ce qui est réellement une réalité[1]. Après qu’elle a, de la même façon, contemplé les autres choses qui réellement sont des réalités, après qu’elle en a fait son régal, de nouveau elle s’enfonce dans l’intérieur du ciel et revient à son logis. Une fois qu’elle y est rendue, son cocher installe les chevaux devant la mangeoire, il y jette pour leur pâture l’ambroisie, et, après l’ambroisie, il leur donne à boire le nectar.

Les âmes autres que celles des Dieux.

« Voilà pour l’existence des dieux ; passons aux autres âmes. 248 Celle-ci fait de son mieux pour suivre les Dieux ; elle élève vers le lieu qui est en dehors du ciel la tête de son cocher ; entraînée dans la révolution circulaire, elle est à grand peine capable, dans l’embarras que ses chevaux lui causent, de porter les yeux sur les réalités. Cette autre tantôt lève, tantôt enfonce sa tête et, ne maîtrisant pas ses chevaux, elle voit les unes et non les autres. Quant au reste des âmes, comme elles aspirent toutes à monter, elles prennent bien la suite ; mais c’est peine perdue : elles sombrent dans le remous qui les entraîne, se piétinant et se bousculant entre elles, b chacune s’efforçant de se placer en avant d’une autre. C’est donc le tumulte, la lutte, les sueurs, tout cela à son comble, et, comme de juste, l’occasion pour beaucoup d’âmes, du fait de l’impéritie des cochers, d’être estropiées ; pour beaucoup d’entre elles, d’avoir beaucoup de leur plumage froissé !

    savoir, soit dans l’éducation (Rép. VII 521 c-534 e, Philèbe 55 c-59 c) : l’ordre d’étude exprime le rapport réel des objets connus.

  1. Opposition de l’être et de l’apparence, et, corrélativement, du savoir dont les objets sont éternels, invariables dans leur constitution intrinsèque comme dans leurs rapports mutuels, et de la connaissance sensible, dont les objets naissent, périssent, changent sans cesse ; fondement ruineux de l’opinion (cf. note suivante).