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NOTICE

puyer[1] la thèse de l’authenticité sur l’hypothèse d’une manière différente de composer et d’écrire, que Lysias aurait adoptée, pense-t-on, à la fin de sa vie. Cette hypothèse n’a en effet d’autre raison que l’embarras, pareillement confessé par les deux partis, de retrouver dans le morceau en question la manière du Lysias que nous connaissons, sèche et grêle sans doute, habile aussi, mais sobre et naturelle, exempte de la préciosité et du désordre que nous voyons ici (cf. p. xviii sq.). Assurément, les adversaires de l’authenticité sont moins aventureux en supposant à ce propos que la composition de Platon n’est pas tant un pastiche de Lysias lui-même que de toute une école d’écrivains. La question reste, il est vrai, de savoir quelles raisons a eues Platon de choisir Lysias pour en faire le représentant nominal, et c’est une question à laquelle j’ai tenté de répondre (cf. p. xix sq.). De toute façon, si c’est une opposition de tendances qu’il avait en vue, il lui fallait un nom illustre à mettre en face de celui d’Isocrate, l’opposition de tendances étant d’ailleurs aussi facile à admettre qu’une opposition de personnes.

Sur un terrain aussi mal connu, il est sage de ne pas avancer avec trop d’assurance. Ainsi, peut-on sérieusement prétendre que, parce que le morceau commence à la façon d’une continuation, Platon n’en saurait être l’auteur ? Il est tout au contraire permis de penser que Platon a voulu l’écrire sous cette forme, pour montrer d’une façon plus comique (264 a) à quel point, dans l’école qu’il a en vue, on dédaigne les exigences de la composition. — De même, c’est trop aisément se confier à une vue arbitraire des choses que de refuser à un auteur le droit de forger, pour en analyser ensuite les défauts, un morceau où il rassemblera tous ces défauts (264 e). N’est-ce pas, au contraire, le principe propre du pastiche, même lorsqu’il n’est suivi, ni d’un « corrigé » tel qu’est le premier discours de Socrate, ni d’une critique ? Ce n’est donc pas en niant le principe propre du pastiche qu’on prouvera que le discours de Lysias n’est pas un pastiche ! — Au surplus, ce n’est pas davantage parce qu’il en serait un, qu’il ne pourrait servir d’ « exemple ». Les deux discours de Socrate ne servent-ils pas pareillement d’exemples, et, pour

  1. Ainsi que le fait Wilamowitz, loc. cit. (ici, p. lxi n. 1).