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NOTICE

phrases, à coller entre eux des morceaux ou à les rogner. Aussi n’y a-t-il dans l’œuvre nulle vie intérieure, par assimilation et croissance organiques ; le développement se fait au petit bonheur, sans progrès réel de la pensée mais d’une façon purement mécanique et par le seul jeu des antithèses. Le sujet même n’intéresse pas : c’est assez qu’il provoque l’étonnement et pique la curiosité (cf. 227 cd). Enfin, c’est l’œuvre d’un ouvrier en mots : il les a tous bien polis, bien tournés ; sa langue est précise et sans bavures (cf. p. 8, n. 2 et p. 13, n. 1).

Il y a donc lieu d’étudier d’assez près la contexture rhétorique du morceau. Il paraît être divisé en quatre parties, plus une conclusion. La première, qu’on pourrait intituler « Amant et aimé », est précédée d’une introduction : « Tu le sais déjà : je te voudrais à moi. Mais ce n’est pas sous l’empire de la passion. Autrement, je ne proportionnerais pas à ma fortune mes dépenses en ta faveur ; ce qui prouve de ma part l’espoir de n’avoir pas plus tard à regretter mes bienfaits ». — 1o (231 a vers la fin) Variation sur l’aimé : à la dépense s’ajoutent la peine prise et les ennuis de famille ; tandis que l’amant passionné s’en fait un mérite qui le dispense de gratitude envers l’aimé, celui-ci n’hésitera pas à complaire à un amant sans amour de qui il n’a pas cela à craindre. — 2o (déb.) Nouvelle variation, et cette fois sur l’amant : le passionné se dit prêt, pour l’aimé, à braver toutes les haines ; mais sa passion, inconstante, lui fera plus tard haïr celui que jadis il aimait. — 3o (c fin) Reprise, du point de vue de l’aimé : raisonnablement, il ne doit pas céder au caprice d’une folie passagère qui, dans l’avenir, se reniera elle-même. — 4o (mil.) Complément : et, s’il s’agit pour lui, entre des amoureux, de choisir le plus amoureux[1], le domaine de son choix est évidemment limité ; illimité au contraire, si c’est entre les non-amoureux qu’il veut élire le plus utile.

La deuxième partie traite la question au point de vue social. 1o Si l’aimé redoute les critiques de l’opinion, il a tout à craindre de l’indiscrétion d’un amant passionné et de sa

  1. Tel me semble être le sens ici de τὸν βέλτιστον : c’est bien celui « qui a le plus de valeur », non pourtant sous le rapport de l’utilité, mais au point de vue qui a présent occupe Lysias, celui de l’amour passionné. Je m’écarte en ceci de l’opinion de M. Méridier.