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CRATYLE

à la différence des animaux, l’homme a été justement nommé anthrôpos : car il examine ce qu’il a vu (anathrôn ha opôpé)[1].

Hermogène. — Et la suite ? Dois-je te la demander ? J’aurais plaisir à l’apprendre.

Socrate. — Parfaitement.

Hermogène. — Eh bien, à ces questions me semble pour ainsi dire s’en rattacher une autre. Nous attribuons, n’est-ce pas ? d une âme et un corps à l’homme.

Socrate. — Naturellement.

Hermogène. — Essayons donc d’analyser ces mots encore, comme les précédents.

Socrate. — Veux-tu dire : d’examiner à propos de l’âme en quoi ce nom lui convient, et de même ensuite pour le corps ?

Hermogène. — Oui.

Socrate. — Eh bien, pour improviser une explication, voici à peu près, je crois, la pensée de ceux qui ont nommé l’âme (psukhê) : c’est ce qui, par sa présence, est pour le corps cause de la vie, en lui procurant la faculté de respirer et en le rafraîchissant (anapsukhon)[2] ; dès que e ce principe rafraîchissant vient à manquer, le corps périt et meurt ; de là, selon moi, le nom de psukhê qu’ils lui ont donné. Mais, si tu préfères, prends patience : je crois apercevoir une explication plus plausible aux yeux des Euthyphrons[3]. 400 Car la première, j’imagine, leur semblerait méprisable et vulgaire. Examine donc si toi-même tu trouveras celle-ci à ton goût.

Hermogène. — Tu n’as qu’à parler.

Socrate. — La nature du corps tout entier, qu’est-ce qui, selon toi, la maintient et la véhicule, pour la faire vivre et circuler ? N’est-ce pas l’âme ?

    (βαρεῖα), c’est-à-dire atone. Car l’accent grave (βαρύς) est en réalité l’absence d’accent (<abbr class="abbr" title="Joseph Vendryes">J. Vendryes, Traité d’accentuation grecque, p. 35 et suiv.).

  1. On faisait encore venir ἄνθρωπος de ἄνω ἀθρεῖν (regarder en haut), ou de ἔναρθρον ἔχειν ἔπος, (avoir une parole articulée).
  2. Aristote, De anim., I, 2 (fin) cite l’étymologie qui rattache ψυχή à ψυχρός, à cause de l’idée de respiration (ἀναπνοή) et de rafraîchissement (κατάψυξις).
  3. L’expression dont se sert Platon (τοῖς ἀμφί Ἐ.) désigne proprement le maître et ses disciples. Ici elle vise ironiquement Euthyphron et ses pareils, ou les gens de son milieu.