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CRATYLE

— c’est la même chose — le nom qu’on lui donne effectivement en Thessalie serait tout à fait justifié : c’est Aploun en effet que tous les Thessaliens appellent ce dieu[1]. De plus, comme il est toujours maître de ses coups par sa science de l’arc, il est celui qui atteint toujours (aéï ballôn). Enfin, en ce qui concerne l’art musical, voici ce qu’on doit supposer. Comme dans les mots akolouthos et akoïtis, l’a signifie souvent ensemble (homou). De même ici, il faut entendre cette rotation simultanée (homou polêsis) qui se fait dans le ciel, ce qu’on appelle révolutions (poloi), comme dans l’harmonie du chant, ce qui se nomme d consonance ; car tous ces mouvements, affirment les beaux esprits versés dans la musique et l’astronomie, se règlent tous en même temps sur une harmonie. Ce dieu préside à l’harmonie, en les déterminant tous simultanément et chez les dieux et chez les humains. En conséquence, de même que le compagnon de route et la compagne de lit ont été appelés par nous akolouthos et akoïtis, par substitution de l’a à homo, ainsi nous avons appelé Apollon l’auteur du mouvement simultané (homopolôn), en insérant un second l, parce que le nom était identique e à celui dont le sens est fâcheux. C’est pour soupçonner ce rapport que de nos jours certaines gens, faute de considérer justement la valeur du nom, le redoutent comme annonçant quelque destruction. En fait, comme nous le disions tout à l’heure, il touche à toutes 406 les fonctions du dieu : simple, toujours atteignant le but, purifiant, auteur du mouvement simultané. Quant aux Muses et à la musique en général, c’est du fait de désirer (môsthaï[2]), semble-t-il, de la recherche et de l’amour de la science que ce nom a été tiré. Celui de Lêto vient de la bienveillance de cette déesse, en tant qu’elle consent[3] aux demandes qu’on lui adresse. Peut-être aussi s’explique-t-il comme le prononcent les étrangers, car beaucoup disent Lêtho. C’est donc, semble-t-il, pour l’absence de rudesse,

  1. Les formes Ἄπλουν, Ἄπλουνος, Ἄπλουνι pour Ἀπόλλων, etc.) se lisent en effet sur des inscriptions thessaliennes d’Érétrie (IG, IX, 2, 199), de Larissa (IG, IX, 512, 517), de Pharsale (IG, 1234), etc.
  2. Ce mot dorien (désirer, rechercher), apparenté à l’épique μεμαώς, se rencontre chez Épicharme, Théognis, et aussi chez les tragiques. La forme dorienne Μῶσα (pour Μοῦσα) a dû faciliter le rapprochement dans l’esprit de Platon.
  3. Λητώ est expliqué ici par λάω, vouloir, synonyme dorien de