Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 2.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
CRATYLE

quoi s’agit-il ? Suivant Cratyle, il existe naturellement (φύσει) pour chaque objet une juste dénomination (ὀνόματος ὀρθότης, 383 ab) qui est la même pour tous, Grecs et Barbares. Mais Hermogène ne peut obtenir de lui l’explication de ses propos obscurs. Que Socrate veuille bien les interpréter, ou donner son avis sur la question ! Socrate répond que le problème est difficile et qu’il en ignore la solution. D’ailleurs il est prêt à la rechercher de concert avec ses interlocuteurs. Hermogène expose sa thèse, opposée à celle de Cratyle : la justesse des noms est affaire de convention et d’accord (συνθήκη καὶ ὁμολογία, 384 d). Le nom qu’on attribue à chaque objet est juste ; si on le change pour un autre, par exemple en nommant un serviteur, le dernier n’est pas moins juste. Il n’y a pas de nom donné par la nature ; l’usage et la coutume (νόμῳ καὶ ἔθει) font tout en cette matière.


Entretien de Socrate et d’Hermogène
(385 a-427 d).

La longue discussion qui s’engage alors entre Socrate et Hermogène occupe la plus grande partie du dialogue. Elle comprend quatre étapes :

I (385 a-391 b). Au cours de la première, Socrate fait admettre à son interlocuteur les propositions suivantes :

1. Les choses ont une essence fixe et stable (τινα βεβαιότητα τῆς οὐσίας, 386 a ; οὐσίαν τινὰ βέβαιον, 386 e) qui ne dépend pas de nous ;

2. Les actes (πράξεις) qui se rapportent aux choses sont une forme déterminée de réalité (ἕν τι εἶδος τῶν ὄντων, 386 e). Ils se font en conformité avec leur propre nature, et non selon notre façon de voir ;

3. Or parler est un acte, et nommer (τὸ ὀνομάζειν) en est une partie. Il faut donc nommer les choses suivant le moyen qu’elles ont naturellement de nommer et d’être nommées (ᾖ πέφυκε τὰ πράγματα ὀνομάζειν τε καὶ ὀνομάζεσθαι, 387 d) ;

4. C’est à l’aide du nom qu’on nomme. Le nom est un instrument qui sert à instruire et à distinguer la réalité (ὄνομα… διδασκαλικόν τί ἐστιν ὄργανον καὶ διακριτικὸν τῆς οὐσίας, 388 bc) ;

5. C’est le législateur (νομοθέτης) qui établit les noms (388 e) ;

6. Il doit avoir les yeux fixés sur ce qui est le nom en soi (πρὸς αὐτὸ ἐκεῖνο ὃ ἔστιν ὄνομα, 389 d), pour imposer aux sons