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CRATYLE

ronta et sumphora — de ce mouvement simultané et circulaire (sumpériphéresthaï).

Hermogène. — Il le semble.

Socrate. — Kerdaléon (lucratif) vient de kerdos (lucre). Or kerdos, si l’on y substitue le n au d b pour former le nom, a un sens clair : c’est le bon qu’il nomme d’une autre manière. Parce que le bon se mélange (kérannutaï) à toutes choses en les traversant, c’est cette propriété qu’on a voulu désigner par ce nom ; mais en introduisant un d’au lieu du n, on a prononcé kerdos.

Hermogène. — Et lusitéloun (profitable), qu’est-ce donc ?

Socrate. — Apparemment, Hermogène, on ne doit pas le prendre à la façon des boutiquiers quand ils couvrent leurs dépenses.[1] Ce n’est pas là, je crois, ce que signifie lusitéloun, mais qu’étant ce qu’il y a de plus rapide dans l’être, il ne laisse pas les choses c s’arrêter ni le mouvement prendre fin pour s’immobiliser et cesser ; toujours il l’affranchit de cette fin, si elle tente de se produire, pour le rendre incessant et éternel. C’est en ce sens, selon moi, qu’on a donné au bon le titre de lusitéloun ; c’est ce qui affranchit de la fin (luon lo télos) le mouvement que l’on a nommé lusitéloun (profitable). Quant au nom d’ôphélimon (utile), il est étranger : Homère notamment s’en est servi en plusieurs endroits sous la forme ophelléïn (enfler)[2], qui est une façon de désigner l’accroissement et la création.

Hermogène. — Et les d contraires de ces noms, qu’en faisons-nous ?

Socrate. — Ceux qui ont une valeur négative, il est inutile, suivant moi, de les passer en revue.

Hermogène. — De quelle sorte sont-ils ?

Socrate. — Désavantageux, inutile, non profitable, non lucratif.

Hermogène. — Tu as raison.

  1. Λύειν τέλη, signifie proprement : acquitter la dépense faite, c’est-à-dire couvrir les frais engagés — par suite, être avantageux, ce qui est le sens habituel de λυσιτελεῖν.
  2. Homère emploie fréquemment ὀφέλλειν faire grossir, accroître, mais jamais ὠφέλιμος. Si l’on garde donné par les mss. (mais supprimé par Cornarius), il faut considérer τῷ ὀφέλλειν (apposition à ) comme une restriction, l’idée étant : Homère s’est souvent servi de ὠφέλιμος, je veux dire sous la forme ὀφέλλειν.