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NOTICE

Mais il n’y a point à en conclure, comme le fait Schäublin[1], que dans ces endroits et dans Cratyle il ait utilisé avec sérieux le procédé étymologique. Les rapprochements rappelés ci-dessous sont parfois de simples jeux de mots ; en plusieurs cas le ton du badinage est manifeste ; et même si Platon n’est pas le premier à en sourire, il ne peut certainement y voir autre chose que des vraisemblances.

Dans le long développement qui prend fin à 421 c, il y a sans doute des idées intéressantes et justes. Platon a bien vu que la forme des mots se modifie avec le temps, quoiqu’il l’attribue en partie à une action consciente des sujets parlants, au parti pris d’enjoliver le langage, et non au jeu naturel des lois phonétiques. Il n’a pas tort de dire que, sous leur forme ancienne, les mots laissent voir plus clairement leur étymologie que dans l’état actuel du langage. Son ignorance des langues étrangères[2] l’empêche de deviner le parti que l’étymologie peut tirer de la comparaison du grec avec les parlers de la même famille ; au lieu de dire, comme Socrate, que certains mots ont une origine barbare, la science moderne les expliquerait par la parenté du grec avec le sanskrit ou telle autre langue « indo-européenne ». Mais elle lui donnerait raison dans l’ensemble, puisqu’il est admis aujourd’hui qu’une grande partie du vocabulaire grec est faite d’emprunts étrangers à l’indo-européen. Socrate est dans le vrai en recourant parfois, pour expliquer des mots attiques, à d’autres dialectes grecs qui peuvent avoir gardé une forme plus voisine de l’état primitif. Il fait une observation ingénieuse et pénétrante en notant que les femmes restent plus fidèles que les hommes à l’ancien parler. Toutefois la question n’est pas de savoir si ces idées sont justes pour nous, mais si elles semblent telles à Platon, et, en tout cas, si leur application peut produire ici des résultats qui aient à ses yeux une valeur scientifique. Or, la suite du dialogue conduit à une conclusion négative.

Les étymologies du Cratyle, on l’a vu, sont présentées dans

    Sophiste, 228 d, σύνεσις est rattaché à σύνειμι (cf. Crat., 412 a).

  1. O. l., p. 67.
  2. Il n’en cite qu’une, le phrygien, à propos du mot πῦρ (410 a), et avec raison semble-t-il. Le fait est qu’en arménien feu se dit hur (Boisacq, Dict. étym., s. v., p. 828), et que les Arméniens passaient pour descendre de colons phrygiens.