Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
576 a
55
LA RÉPUBLIQUE IX

Et injustes au dernier point, si nous ne nous sommes pas abusés précédemment, bquand nous sommes tombés d’accord sur la nature de la justice ?

Sûrement, nous ne nous sommes pas abusés, dit-il.

Résumons donc, repris-je : le parfait scélérat, c’est, n’est-ce pas ? celui qui est en état de veille ce qu’est l’homme en état de songe que nous avons décrit plus haut.

Oui.

Or on devient tel, quand, doué par la nature d’un caractère très tyrannique, on est parvenu à régner seul, et on le devient d’autant plus qu’on vit plus longtemps dans l’exercice de la tyrannie[1].

C’est une conséquence nécessaire, dit Glaucon, prenant part à son tour à la conversation.


IV  Mais, repris-je, celui qui est manifestement le plus méchant n’est-il pas manifestement caussi le plus malheureux ? et celui qui aura exercé la tyrannie la plus longue et la plus absolue n’aura-t-il pas été le plus profondément et le plus longtemps malheureux, à parler selon la vérité ? car pour la multitude, les avis sont multiples.

Il n’en peut être autrement, dit-il.

N’est-il pas vrai, repris-je, que l’homme tyrannique est fait à l’image de l’État tyrannique, comme l’homme démocratique à celle de l’État démocratique, et ainsi des autres ?

Sans doute.

Et ce qu’un État est à un État pour la vertu et le bonheur, un homme ne l’est-il pas à un autre homme ?

dSans contredit.

Quel est donc au point de vue de la vertu le rapport de l’État tyrannique à l’État royal que nous avons décrit en premier lieu ?

Ils sont exactement contraires, répondit-il ; car l’un est le meilleur, l’autre le pire.

Je ne te demanderai pas, repris-je, lequel est le meilleur ou le pire : cela est évident ; mais sur le bonheur ou le

  1. Lois 691 c : « Il n’est pas un homme sur la terre, s’il est jeune et n’a de compte à rendre à personne, qui puisse soutenir le poids du souverain pouvoir, de manière que la plus grande maladie, l’ignorance, ne s’empare pas de son âme et ne le rende un objet d’aversion