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LA RÉPUBLIQUE IX

figure-t-il pas qu’il monte en haut ? et quand il est arrivé au milieu et qu’il regarde d’où il est parti, quelle autre pensée peut-il avoir, sinon qu’il est en haut, parce qu’il n’a pas vu le haut véritable ?

Par Zeus, répondit-il, je ne crois pas que dans une telle ignorance il puisse se figurer autre chose.

eMais si, repris-je, il retombait en arrière, il croirait être emporté vers le bas, en quoi il ne se tromperait pas.

Sans doute.

Et il se figurerait tout cela parce qu’il ne connaît pas ce qui est véritablement le haut, le milieu, le bas[1] ?

Évidemment.

Comment s’étonner dès lors si les gens qui ne connaissent pas la vérité se forment des idées fausses d’une foule de choses, entre autres du plaisir et de la douleur et de ce qui tient le milieu entre l’un et l’autre ? Ainsi, lorsqu’ils passent à la douleur, 585ils ont raison de croire qu’ils souffrent, car ils souffrent réellement ; mais lorsqu’ils passent de la douleur à l’état intermédiaire, ils sont fortement persuadés qu’ils sont arrivés à la plénitude du plaisir ; semblables à des gens qui, faute de connaître le blanc, opposeraient le gris au noir, ils opposent l’absence de douleur à la douleur, faute de connaître le plaisir, et en cela ils se trompent.

Par Zeus, dit-il, je n’en suis pas surpris ; je le serais bien plutôt du contraire.


Supériorité
des plaisirs
de la connaissance.

Eh bien, maintenant, dis-je, fais réflexion sur ceci. La faim, la soif et les autres besoins du même genre ne sont-ils pas des espèces de vides dans l’état du corps ?

bSans doute.

Et l’ignorance et la déraison ne sont-elles pas de même un vide dans l’état de l’âme ?

Si.

  1. La conception d’un haut, d’un bas, d’un milieu est la conception populaire, adoptée d’ailleurs par la plupart des philosophes grecs ; mais dans le Timée 62 c, Platon conçoit les choses d’une manière plus scientifique : le monde étant sphérique, il y a un centre et des extrémités à égale distance du centre ; il n’y pas, à proprement parler, de haut ni de bas.