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LIVRE X



595Retour à la poésie.

I  Je vois, repris-je, bien des raisons de croire que la cité que nous venons de fonder est la meilleure possible ; mais c’est surtout en songeant à notre règlement sur la poésie que j’ose l’affirmer.

Quel règlement ?

De n’admettre en aucun cas cette partie de la poésie qui consiste dans l’imitation[1]. La nécessité de la rejeter absolument se montre, bje crois, avec plus d’évidence encore depuis que nous avons distingué et séparé les différentes facultés de l’âme.

Comment cela ?

Je peux vous le dire à vous ; car vous n’irez pas me dénoncer aux poètes tragiques et aux autres auteurs qui pratiquent l’imitation. Il me semble que toutes les œuvres de ce genre causent la ruine de l’âme de ceux qui les entendent, s’ils n’ont pas l’antidote, c’est-à-dire la connaissance de ce qu’elles sont réellement.

Quelle est, demanda-t-il, la raison qui te fait parler de la sorte ?

Il faut que je vous la dise, répondis-je, bien qu’une certaine tendresse et un certain respect que j’ai dès l’enfance pour Homère s’oppose à cet aveu ; ccar il semble bien avoir été le premier maître et le guide de tous ces beaux poètes tragiques ; mais on doit plus d’égards à la vérité qu’à un homme, et, comme je l’ai dit, c’est un devoir de parler.

Certainement, dit-il.

Écoute donc, ou plutôt réponds.

Questionne.

  1. Dans les livres II et III, Platon a banni la poésie pour des raisons morales et pédagogiques ; dans le livre X, il en justifie l’exclusion pour des raisons psychologiques et métaphysiques.