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LA RÉPUBLIQUE X

econnaissent tous les arts, toutes les choses humaines qui se rapportent à la vertu et au vice, et même les choses divines, parce qu’il faut qu’un bon poète, pour bien traiter les sujets qu’il met en œuvre, les connaisse d’abord, sous peine d’échouer dans son effort. Il nous faut donc examiner si ces gens, étant tombés sur des artistes qui ne sont que des imitateurs, 599ne se sont pas laissé tromper, et si, en voyant leurs œuvres, il ne leur a pas échappé qu’elles sont éloignées du réel de trois degrés, et que, sans connaître la vérité, on peut les réussir aisément, car ces poètes ne créent que des fantômes et non des choses réelles ; ou s’il y a quelque chose de solide dans ce que disent ces mêmes gens, et si en effet les bons poètes connaissent les choses sur lesquelles le commun des hommes juge qu’ils ont bien parlé.

C’est un examen qu’il faut faire certainement, dit-il.

Crois-tu que, si un homme était capable de réaliser les deux choses, et l’objet à imiter et l’image, il s’appliquerait sérieusement à confectionner des images, et en ferait le principal sujet de gloire de sa vie, comme s’il n’avait en lui rien de mieux ?

bNon, pour ma part.

Mais s’il était réellement versé dans la connaissance des choses qu’il imite, je pense qu’il s’appliquerait beaucoup plus volontiers à créer qu’à imiter, qu’il essaierait de laisser après lui, comme autant de monuments, un grand nombre de beaux ouvrages, et qu’il aimerait mieux être l’objet que l’auteur d’un éloge[1].

Je le crois, dit-il ; car l’honneur et l’utilité seraient bien supérieurs.


Ignorance
d’Homère.

Maintenant nous ne demanderons pas compte à Homère ni à tout autre poète de mille choses dont ils ont parlé ; nous ne demanderons pas si ctel d’entre eux a été un habile médecin, et non un simple imitateur du langage des médecins, quels malades un poète ancien ou moderne passe pour avoir guéris, comme l’a fait Asclépios, ou quels disciples savants en médecine il a laissés après lui, comme celui-ci a laissé ses des-

  1. Platon préfère être un Achille plutôt qu’un Homère ; mais eût-il préféré réellement être un cordonnier plutôt qu’un Zeuxis ou un Apelle ?