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LA RÉPUBLIQUE X

cqui ont maîtrisé Zeus[1], ces penseurs qui coupent les idées en quatre, tant ils sont gueux, et mille autres qui témoignent de leur vieil antagonisme. Malgré cela, protestons hautement que, si la poésie imitative qui a pour objet le plaisir peut prouver par quelque raison qu’elle doit avoir sa place dans une cité bien ordonnée, nous l’y ramènerons de grand cœur ; car nous avons conscience du charme qu’elle exerce sur nous ; mais il serait impie de trahir ce qu’on regarde comme la vérité. Toi-même, cher ami, ne sens-tu pas le charme de la poésie, dsurtout quand tu la regardes dans Homère ?

Je le sens vivement.

C’est donc justice de la laisser rentrer, quand elle se sera justifiée, soit dans un chant lyrique, soit dans toute autre espèce de mètre ?

Sans contredit.

Nous accorderons aussi à ses défenseurs qui, sans être poètes, sont amateurs de la poésie, de parler pour elle en prose et de nous démontrer qu’elle n’est pas seulement agréable, mais qu’elle est encore utile aux États et à la vie humaine, et nous les écouterons de bon cœur ; car ce sera profit pour nous, s’ils nous font voir equ’elle joint l’utile à l’agréable.

Cela n’est pas douteux, dit-il ; nous y gagnerons.

Mais s’ils ne peuvent le prouver, cher ami, nous ferons comme les amants qui, reconnaissant les funestes effets de leur passion, s’en détachent à contre-cœur sans doute, mais enfin s’en détachent. Nous aussi, nous avons pour cette poésie un amour que l’éducation de nos belles républiques a fait naître en nos cœurs, 608et nous aurons plaisir à reconnaître qu’elle est très bonne et très amie de la vérité. Mais tant qu’elle sera incapable de se justifier, nous l’écouterons, en nous redisant les raisons que nous venons de donner, pour nous prémunir contre ses enchantements, et nous prendrons garde de retomber dans la passion qui charma notre enfance

    poètes, et nous ignorons où Platon a pris ces traits. À la chienne glapissante cf. Lois 967 c/d.

  1. Nos deux manuscrits A et F ont en réalité la même leçon Δία σοφῶν, car la leçon de F διασοφῶν, étant donné l’accentuation, ne peut être que Δία σοφῶν. Adam ne l’accepte pas et corrige en λίαν σοφῶν ; il change en outre κρατῶν en κράτων, et traduit : the rabble-rout of all-too-sapient heads : la bande des têtes trop sages.