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LA RÉPUBLIQUE X

et charme encore le commun des hommes. En tout cas, nous sentons bien qu’il ne faut pas rechercher cette espèce de poésie comme un art qui atteigne la vérité et qui mérite notre zèle, mais qu’il faut en l’écoutant se défier d’elle et craindre pour le gouvernement de son âme, bet enfin observer comme une règle ce que nous avons dit de la poésie.

Je suis tout à fait d’accord avec toi, dit-il.

C’est qu’en effet, repris-je, c’est un grand combat, Glaucon, un combat plus grand qu’on ne pense, que celui où il s’agit de devenir bon ou méchant ; aussi ne faut-il nous laisser entraîner ni par la gloire, ni par la richesse, ni par aucune dignité, ni par la poésie même à négliger la justice et les autres vertus.

Je le conclus avec toi, dit-il, de notre discussion, et tout le monde, je pense, en conviendra comme moi.


La vertu
est récompensée
après la mort.
Preuve
de l’immortalité
de l’âme.

IXcCependant, repris-je, nous n’avons pas parlé des prix réservés à la vertu.

Il faut, répliqua-t-il, qu’ils soient merveilleusement grands, s’ils surpassent ceux que nous avons énumérés.

Que peut-il y avoir de grand, repartis-je, dans un temps si restreint ? car tout l’intervalle qui sépare l’enfance de la vieillesse est bien peu de chose en comparaison de l’éternité.

Ce n’est même rien, dit-il.

Mais quoi ! penses-tu qu’un être immortel doive se donner tant de peine pour un temps si court, et négliger de le faire pour l’éternité ?

dNon certes, répondit-il, mais où tend ta question ?

N’as-tu pas fait attention, répliquai-je, que notre âme est immortelle et qu’elle ne périt jamais ?

À ces mots, il me regarda d’un air étonné[1] et dit : Non, par Zeus ; mais toi, pourrais-tu le démontrer ?

Oui, repartis-je, si je ne m’abuse, et je suis persuadé que tu le pourrais aussi ; il n’y a rien là que de facile.

  1. L’idée de l’immortalité de l’âme n’était pas nouvelle dans les cercles orphiques et pythagoriciens. Mais si Glaucon en a entendu parler, il n’y a pas fait attention. Il n’a pas, quant à lui, la moindre idée que l’âme puisse être immortelle.