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LA RÉPUBLIQUE X

Pas pour moi, répliqua-t-il ; mais j’aurais plaisir à l’entendre faire cette démonstration facile[1].

Écoute, dis-je.

Tu n’as qu’à parler, répondit-il.

Admets-tu qu’il y a du bien et du mal ? demandai-je.

Oui.

eMais t’en fais-tu la même idée que moi ? Quelle idée ?

Que tout ce qui perd et détruit, c’est là le mal, que ce qui conserve et conforte, c’est là le bien. Oui, dit-il. Ne crois-tu pas aussi qu’il y a un bien et un mal pour chaque chose, par exemple, 609pour les yeux l’ophthalmie, pour tout le corps la maladie, pour le blé la nielle, pour le bois la pourriture, pour le cuivre et le fer la rouille, et, comme je l’ai déjà dit, un mal et une maladie attachés par la nature à presque tous les êtres ?

Si, dit-il.

Or quand l’un de ces maux s’attache à un être, ne le gâte-t-il pas et ne finit-il pas par le dissoudre et le ruiner totalement ?

Il n’en saurait être autrement.

C’est donc le mal qui lui est attaché par la nature, c’est sa méchanceté qui fait périr chaque être ; et si ce mal ne le fait pas périr, aucune autre chose bn’en sera capable ; car il n’y a pas à craindre que le bien fasse jamais périr quoi que ce soit, non plus que ce qui n’est ni mauvais ni bon.

Comment en effet serait-ce possible ? répondit-il.

Si donc nous trouvons dans la nature un être avec un mal qui le rende mauvais, sans pourtant être capable de le dissoudre et de le perdre, ne serons-nous pas dès lors assurés qu’un être ainsi constitué ne saurait périr ?

  1. Platon a déjà exprimé sa foi dans l’immortalité de l’âme en plusieurs passages de la République 330 d/e, 496 e, 498 d. La preuve qu’il en donne ici a été souvent discutée et sévèrement jugée. Il faut avouer que Glaucon, qui tout à l’heure témoignait son scepticisme par un cri d’étonnement et qui trouvait la démonstration difficile, se rend bien aisément à une argumentation spécieuse et facile à réfuter. Cf. le Phédon où la question est traitée avec une tout autre argumentation.