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LA RÉPUBLIQUE X

condition, ils étaient mélangés les uns avec les autres et avec la richesse et la pauvreté, avec la maladie, avec la santé ; il y avait aussi des partages moyens entre ces extrêmes. C’est là, ce semble, cher Glaucon, qu’est le moment critique pour l’homme, et c’est justement pour cela cque chacun de nous doit laisser de côté toute autre étude, et mettre ses soins à rechercher et à cultiver celle-là seule. Peut-être pourra-t-il découvrir et reconnaître l’homme qui lui communiquera la capacité et la science de discerner les bonnes et les mauvaises conditions[1] et de choisir toujours et partout la meilleure, autant qu’il lui sera possible, en calculant quels effets toutes les qualités que je viens de dire ont sur la vertu pendant la vie, par leur assemblage ou leur séparation. dQu’il apprenne de lui à prévoir le bien ou le mal que produit tel mélange de beauté avec la pauvreté ou la richesse et avec telle ou telle disposition de l’âme, et les conséquences qu’auront en se mélangeant entre elles la naissance illustre ou obscure, la vie privée et les charges publiques, la vigueur ou la faiblesse, la facilité ou la difficulté d’apprendre et toutes les qualités spirituelles du même genre, naturelles ou acquises. Alors tirant la conclusion de tout cela, et ne perdant pas de vue la nature de l’âme, il sera capable de choisir eentre une vie mauvaise et une vie bonne, appelant mauvaise celle qui aboutirait à rendre l’âme plus injuste, et bonne celle qui la rendrait meilleure, sans avoir égard à tout le reste ; car nous avons vu que, pendant la vie et après la mort, 619c’est le meilleur choix qu’on puisse faire. Et il faut garder cette opinion dure comme l’acier en descendant chez Hadès, afin de ne pas se laisser éblouir là-bas non plus par les richesses et les maux de cette nature, de ne pas se précipiter sur les tyrannies ou autres choix du même genre, qui causeraient des maux sans nombre et sans remède et nous en feraient souffrir à nous-mêmes de plus grands encore, mais plutôt de vouloir choisir toujours parmi les conditions la condition moyenne, de fuir les excès dans le» deux sens, et dans cette vie, autant qu’il est possible, et dans toutes celles qui suivront ; car c’est à cela qu’est attaché le bbonheur de l’homme.

  1. Donc les hommes ne sont pas en général capables de faire un bon choix par eux-mêmes. Ils doivent s’adresser au philosophe qui, en morale, comme en politique, est seul capable de diriger la foule.