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LA RÉPUBLIQUE VIII

cette différence que, placées l’une et l’autre dans les plateaux d’une balance, elles prennent toujours une direction contraire ?

Si, dit-il.

551Quand donc la richesse et les riches sont honorés dans un État, on voit diminuer les honneurs de la vertu et des gens vertueux.

C’est évident.

Or toutes les fois qu’une chose est honorée, on s’y adonne ; dédaignée, on la délaisse.

C’est ainsi.

Aussi, d’ambitieux et jaloux des honneurs, les citoyens finissent par devenir avares et cupides ; ils vantent le riche, l’admirent, le portent au pouvoir, et ils méprisent le pauvre.

C’est vrai.

Et alors ils établissent une loi qui fixe les bornes de la constitution oligarchique, ben imposant un cens, d’autant plus grand que l’oligarchie est plus forte, d’autant plus petit qu’elle est plus faible, et ils interdisent les charges publiques à celui dont la fortune ne s’élève pas au cens fixé. Ils font passer ces mesures par la force et les armes, ou, sans aller jusque-là, imposent ce genre de gouvernement par l’intimidation. N’est-ce pas ainsi que les choses se passent ?

Assurément si.

Voilà donc à peu près quelle est cette constitution.

Oui, dit-il ; mais quelles sont les mœurs de cet État, et quels sont les défauts que nous lui reprochons ?


Caractères
de l’oligarchie.

VIIcLe premier, répondis-je, c’est son principe même. Considère en effet ce qui arriverait, si pour gouverner les vaisseaux on choisissait ainsi les pilotes[1] d’après le cens, et qu’on exclût le pauvre, malgré la supériorité qu’il pourrait avoir.

  1. Comparaison familière à Socrate et à Platon. Cf. Xénophon, Mémor. III, 9, 11 et Platon, le Politique 298 c et 299 b. Cf. aussi supra VI, 488 la fameuse allégorie du patron de vaisseau et des matelots qui veulent gouverner.