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LA RÉPUBLIQUE VIII

Et cependant ces usuriers qui vont tête baissée, sans paraître voir ces malheureux, blessent de leur aiguillon, c’est-à-dire de leur argent, tous ceux des autres citoyens qui leur donnent prise, 556et centuplant les intérêts de leur capital, multiplient dans l’État les frelons et les gueux.

Ceux-ci en effet doivent y pulluler, dit-il.

Et le mal a beau jeter des flammes, repris-je ; ils ne veulent, pour l’éteindre, ni de mon premier expédient, d’empêcher les particuliers de disposer de leurs biens à leur fantaisie, ni de cet autre : faire une autre loi pour supprimer de tels abus.

Quelle loi ?

Une loi qui viendrait appuyer la loi contre les dissipateurs et qui contraindrait les citoyens à s’inquiéter de l’honnêteté ; car si la loi commandait que les transactions de gré à gré se fissent ordinairement aux risques et périls du prêteur[1], les citoyens mettraient bmoins de cynisme à s’enrichir, et l’État verrait naître moins de ces maux dont nous parlions tout à l’heure.

Beaucoup moins, dit-il.

Je repris : À présent au contraire les gouvernants, par toutes les raisons que j’ai signalées, réduisent les gouvernés à cette funeste situation. Quant à eux et à leurs enfants, que font-ils ? Les jeunes s’abandonnent aux plaisirs et à l’oisiveté physique et intellectuelle, cet deviennent mous et inertes pour résister au plaisir et à la douleur.

Il n’en saurait être autrement.

Et les pères, négligeant tout, sauf l’argent, ne se mettent pas plus en peine de la vertu que les pauvres.

Non, en effet.

Or en de telles dispositions, lorsque les gouvernants et les gouvernés se trouvent ensemble, soit en voyage, soit en quel-

  1. Selon Théophraste (frg. 97, 5 Wimmer = Stob., Floril. 44, 22) Charondas avait édicté une loi comme celle que propose Platon : ἐὰν δέ τις πιστεύσῃ, μὴ εἶναι δίκην· αὐτὸν γὰρ αἴτιον εἶναι τῆς ἀδικίας. Même prescription dans les Lois 842 c : « Il est défendu de donner de l’argent en dépôt à quelqu’un en qui l’on n’a pas confiance et de prêter à usure : car il est permis à l’emprunteur de ne rendre ni intérêt, ni capital. » Cf. Lois 849 c, 915 e.