Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
408 a
186
CLITOPHON

l’esclavage plutôt que dans l’état de liberté, et, comme pour un navire, bde confier le gouvernail de sa pensée à un autre, à celui qui a appris l’art de gouverner les hommes », cet art, Socrate, que tu as coutume d’appeler la politique et qui, d’après toi, s’identifie à l’art judiciaire et à la justice[1]. Donc, ces discours et bien d’autres du même genre, si excellents, tels que : la vertu peut s’enseigner, il faut avant tout s’occuper de soi-même[2]…, — non, je ne les ai jamais contredits et je ne crois pas devoir les contredire jamais dans l’avenir ; je les juge très persuasifs, ctrès utiles et vraiment de nature à nous réveiller, nous qui sommes comme endormis. J’appliquais alors mon esprit pour écouter la suite ; je ne t’interrogeais point toi, Socrate, tout d’abord, mais certains de tes compagnons, émules, amis… de quelque nom qu’il faille désigner leurs relations avec toi. C’est ceux dont tu fais le plus de cas que j’interrogeais en premier lieu, leur demandant quelle serait la suite de la discussion et, dun peu à ta manière, je leur présentais mes difficultés : « Mes amis, commençais-je, dites-moi, comment comprendrons-nous l’exhortation à la vertu que nous adresse Socrate ? Serait-ce là tout et n’est-il pas possible de pousser à fond la chose et de la saisir parfaitement, mais devrons-nous nous borner toute notre vie à exhorter ceux qui ne l’ont pas encore été, et ces derniers d’autres à leur tour ? Ou faut-il que nous demandions à Socrate et nous demandions les uns aux autres, après avoir reconnu que tel est le devoir de l’homme, ece qui s’en suivra ? Par où commencerons-nous, à notre avis, l’étude de la justice ? C’est comme si on nous exhortait, par exemple, à pren-

    est vraiment la partie essentielle de l’homme, l’homme même, parce c’est elle qui commande au corps. Le Socrate des Mémorables insiste aussi à diverses reprises sur l’inconséquence de ceux qui prennent un soin exagéré du corps et négligent la seule chose qui mérite notre estime. Aussi exhorte-t-il ses auditeurs à cultiver la sagesse (cf. I, 2, 54, 55 ; I, 4, 13 ; IV, 3, 14, 15).

  1. Voir dans les Rivaux, 187 d, une semblable identification entre la politique, la justice et l’art judiciaire. Mais le Socrate platonicien rejette, au contraire, une conception de la δικαιοσύνη qui est celle des sophistes et confond la justice vraie, la vertu, avec le pouvoir du plus fort (cf. Gorgias, 464 et 520 b). Voir Brünnecke, art. cit., p. 459, note 29.
  2. Ce sont là encore des thèmes socratiques. Le premier découle