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SISYPHE

géométrie. À propos de la diagonale, ce que les géomètres ignorent, ce n’est pas si elle est ou non diagonale, et ce n’est pas cela qu’ils essaient de trouver —, mais ils se demandent quelle est sa grandeur par rapport aux côtés des surfaces qu’elle divise. N’est-ce pas là ce qu’ils recherchent à son sujet[1] ?

Sisyphe. — Il me le semble.

Socrate. — Cela même qu’ils ignorent, n’est-il pas vrai ?

Sisyphe. — Tout à fait.

Socrate. — Et encore : tu sais que la duplication du cube est l’objet des recherches et des raisonnements des géomètres[2] ; quant au cube lui-même, ils ne recherchent pas s’il est cube ou non, mais cela, ils le savent, n’est-ce pas ?

Sisyphe. — Oui.

389Socrate. — De même à propos de l’air, Anaxagore, Empédocle et tous les autres rêveurs, comme tu le sais, recherchaient s’il est fini ou infini.

Sisyphe. — Oui.

Socrate. — Mais non si l’air existe, n’est-ce pas ?

Sisyphe. — Non certes.

Socrate. — Donc tu m’accorderas qu’il en est ainsi de tout le reste : personne ne cherche jamais ce qu’il sait, mais plutôt ce qu’il ignore ?

Sisyphe. — Parfaitement,

bSocrate. — Or délibérer nous a paru consister en ceci : chercher à découvrir ce qu’on a de mieux à faire quand on doit agir ?

Sisyphe. — Oui.

Socrate. — Mais cette recherche qu’est la délibération, elle porte sur les faits, n’est-ce pas ?

    τὸν αὐτὸν οἶδα καὶ ἀγνοῶ… τὸν οὗν προσιόντα οὐκ εἰδότες, τὸν δέ Κορίσκον εἰδότες, ταὐτὸ μὲν εἰδέναι καὶ ἀγνοεῖν φασιν, ἀλλ' οὐ κατὰ ταὐτό (24, 179 b, 2, 9).

  1. Ce problème du rapport numérique entre la diagonale et le côté du carré a de bonne heure préoccupé les géomètres grecs. Pythagore avait déjà démontré que les deux ne sont pas commensurables ; il avait constaté que la racine carrée de 2 est irrationnelle, mais n’avait pas poussé plus loin ses recherches. La théorie des incommensurables fit plus tard de grands progrès, grâce aux travaux de Théodore de Cyrène et de Théétète (cf. G. Milhaud, Les Philosophes géomètres de la Grèce, p. 159-164).
  2. Ce problème également, appelé aussi problème de Délos, parce que, suivant la légende, Apollon aurait exprimé le désir de