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ÉRYXIAS

il serait plus riche que lui ». — Il en convint également. — « Mais si on te donnait le choix centre les deux, que prendrais-tu ? » — « Moi, répondit-il, ce qui a le plus de valeur ». — « Et tu croirais ainsi être plus riche ? » — « Précisément ». — « Donc, celui-là nous paraît être le plus riche qui possède des objets de la plus grande valeur ? » — « Oui », dit-il. — « Par conséquent, continuai-je, les gens bien portants seraient plus riches que les malades, si la santé est un trésor beaucoup plus précieux que les biens possédés par le malade[1]. Il n’est, en effet, personne qui ne préfère la santé, avec une petite fortune, à la maladie, jointe à toutes les richesses du grand roi[2], dparce qu’on estime évidemment la santé comme de bien plus grande valeur. Or, on ne la préférerait certes pas, si on ne la jugeait supérieure à la fortune ». — « Évidemment non ». — « Et si on pouvait trouver quelque autre chose de plus précieux que la santé, c’est celui qui la posséderait qui serait le plus riche ». — « Oui ». — « Eh bien ! si quelqu’un à présent nous abordait et nous demandait : Ô vous, Socrate, Éryxias, Érasistratos, pourriez-vous me dire quel est pour l’homme le bien le plus précieux ? eN’est-ce pas celui dont la possession lui permettra de prendre les décisions les plus utiles sur la manière de conduire le mieux possible ses propres affaires et celles de ses amis ? Qu’est-ce donc à notre avis ? » — « Il me semble, Socrate, que le bonheur est ce qu’il y a de plus précieux pour l’homme ». — « Et tu n’as pas tort, répliquai-je. Mais estimerons-nous que les plus heureux parmi les hommes sont ceux qui réussissent le mieux[3] ? » — « Il me le paraît bien ». — « Or, ceux qui réussissent le mieux, ne sont-ils pas ceux qui se trompent le plus rarement sur ce qui les concerne eux et les autres, et qui généralement obtiennent les plus grands succès ? » — « Tout à fait ». — « Et ce sont, n’est-ce pas, ceux qui savent ce qui est bien ou mal, ce qu’il

  1. Platon rappelle dans le Gorgias (451 e) le scolie où il est affirmé que de tous les biens, la santé est le premier, la beauté le second et le troisième consiste dans la richesse acquise sans fraude. — Voir aussi Euthydème, 279 a.
  2. Les richesses du roi des Perses étaient proverbiales parmi les Grecs. Cf. Xénophon, Banquet, 3-13 ; 4-11.
  3. Les termes εὐ δαιμονεῖν et εὖ πράττειν sont également synonymes pour Platon (Charmide, 174 b ; Euthydème, 280 b). L’identi-