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ÉRYXIAS

teurs, qui disent, par exemple, que les plus sages sont aussi les plus riches, et, ce disant, con soutient le faux contre ceux qui affirment la vérité[1]. À cela, rien peut-être de bien étonnant. C’est comme si deux hommes discutaient à propos des lettres, l’un prétendant que Socrate commence par une S, l’autre, par un A. Il se pourrait que le raisonnement de celui qui dit qu’il commence par un A fût plus fort que le raisonnement de celui qui dit qu’il commence par une S ». — Éryxias jeta ses regards sur les assistants, moitié souriant moitié rougissant, comme s’il avait été absent jusque-là de notre conversation : « Pour moi, Socrate, dit-il, je ne pensais pas qu’on dût tenir ddes discours dont on n’arrivera à persuader aucun de ceux qui les entendent et auxquels on ne peut rien gagner, — quel homme sensé se laisserait, en effet, jamais convaincre que les plus sages sont aussi les plus riches ? Mais plutôt, puisqu’il s’agit de richesses, il faudrait discuter comment il est beau ou comment il est honteux de s’enrichir, et voir si le fait même d’être riche est un bien ou un mal ». — « Soit, répondis-je, nous allons donc désormais nous tenir sur nos gardes, eet tu fais bien de nous avertir. Mais puisque tu introduis la discussion, pourquoi n’essaierais-tu pas toi-même de dire si cela te paraît à toi un bien ou un mal de s’enrichir, étant donné, d’après toi, que nos discours précédents n’ont pas touché ce sujet ? » — « Eh bien ! pour moi, répondit-il, je crois que c’est un bien de s’enrichir ».


Deuxième thèse.

Il voulait encore ajouter quelque chose, mais Critias l’interrompit : « Or ça, dis-moi, Éryxias, tu penses que c’est un bien d’être riche ? » — « Certes oui, par Zeus, sinon je serais toqué, et il n’est personne, je suppose, qui n’en convienne ». — « Pourtant, répliqua l’autre, il n’est, je crois, personne non plus que je ne

    810). — Platon le représente comme un bienfaiteur des sophistes (Apologie, 20 a ; Protagoras : c’est dans la maison de Callias que ce déroule la discussion). Voir aussi Xénophon, Banquet. — Eschine intitula Callias un de ses dialogues où il traitait des dangers de la richesse pour un jeune homme (Cf. Kallias, in Pauly-Wissowa, Real-Encycl. 102, 1618-1622).

  1. La formule οὐδέν τι μᾶλλον a été forgée par les sceptiques, mais les sophistes exprimaient déjà l’idée. — Suivant Diogène-Laërce